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Chapitre 5

 

 

 

Le Lieutenant l’ignorait, mais ses soupçons portés sur la “bonne santé” des hormones d’Oscar étaient fort justes.
Pas tout à fait dans le sens qu’il supposait, cependant : c’était un fait, le Diable possédait un envoûtant regard gris.

La jeune fille jura intérieurement tandis qu’ils laissaient leurs chevaux aller au pas dans les rues de Paris, et soupesa cette constatation comme une loi naturelle, ou mieux un maléfice du destin.

Après le savoureux épisode des salons “philosophiques” de Girodel, elle était passée au domaine se remettre en civil.

Et ce gredin lui avait promis d’autres surprises...sans doute aller trouver un nouveau taudis ampli de jeunes idiotes poudrées ? Dûment surveillée par l’oeil terrible de son père elle n’avait pu protester, évidemment.

Fort pratique pour  le meurtre caractérisé...

 

Ce Diable, oui, et ses soi-disant “leçons”...”on” n’allait pas être déçu du traitement qu’elle lui réservait pour le reste de la journée ! Le reste de sa vie, même. Elle avait un répertoire quasi illimité sur la dentition d’épouvante des fripouilles affrontées jusqu’alors, sans compter la gangrène égayant très souvent le tout. Nul doute qu’une évocation délicate du chicot pourrissant ferait bientôt le “bonheur” de ses dames...

Cela donnait toujours très bien dans une conversation à la Cour.

Mais le rythme lent des montures est décidément propice à l’honnêteté, l’épreuve subie dans ce salon lui importait peu au fond ; ni les menaces de la ruelle, qu’elle avait très peu écoutées. Encore moins l’oeil paternel continuellement chargé de reproches. Non, malgré l’endroit plutôt sordide, la lumière s’y diffusait suffisamment pour éclairer désormais ce fait nouveau.

 

De beaux yeux. De beaux traits. Une allure.
Bref, le tout n’avait rien de fade ni de commun, cela sortait même de l’ordinaire en vérité ; et l’admettre devenait  dérangeant de seconde en seconde. Cette séduction n’était pas aisément manipulable parce que totalement objective, voilà qui était dérangeant.
Girodel n’était pas séduisant parce qu’elle l’avait décidé.

Ni...foutrecul elle commençait à comprendre la décision de son père ! Son Lieutenant était la séduction même.

Auparavant, l’image d’un inférieur imbu de sa personne constamment entouré de dindes était un fait acquis, digéré, puis oublié. La silhouette masculine se mouvait dans la caserne avec une calme assurance dont elle n’avait cure, au fond, la mettre sur le compte d’une prétention de bas étage était réconfortant et permettait de penser à autre chose.

Mais l’avoir eu juste sous son nez, un instant plus tôt et il devenait soudain évidence, cet homme.

Elégant...et bien d’autres choses inutiles.

Dont une, plus détestable que toutes autres : indéniablement elle n’appartenait pas à la même caste que lui.

Oscar avait depuis longtemps élaboré une stratégie assez subtile quant à son regard sur elle-même, à son statut si particulier... : ni homme, ni femme,  elle aimait se voir tel un ange tout droit sorti de l’Ancien Testament, exterminateur comme il se doit, à la frontière de toutes choses et bien au-delà des envies humaines. Ni homme, ni femme.
Comme c’était simple ! Et ce Diable, lui...

- Décidez-vous. Je vous porte ou comptez-vous passer la nuit dans ce caniveau ?

La jeune fille leva le nez. Les chevaux s’étaient arrêté, et son Lieutenant déjà descendu battait le pavé d’impatience.
Point de façade douteuse, de balcon chargé de potiches portant perruques, de salons où déverser ses histoires de tavernes.
A la place une enseigne clamant crânement qu’on entrait dans le domaine d’un certain “Alastor Farworth”.
Ce qui ne la renseignait pas du tout.
Elle se souvint vaguement des propos de son père mentionnant ce nom sous le nez d’André, en ce jour funeste où ce maroufle faisait mine de comprendre l’incompréhensible. Elle regretta d’ailleurs que ce dernier fut resté au domaine; elle aurait pu l’étriper un peu verbalement et physiquement pour passer le temps, durant le trajet. Foutu meilleur ami d’enfance...

Le ton et le sourire caustique de son inférieur lui rappela que la fatalité était chose on ne peut plus concrète, dont il fallait s’occuper sans tarder sous peine de paraître définitivement demeurée.

- Girodel, reparlez-moi encore une fois sur ce ton et je vous embroche, grogna t-elle. Je n’entrerais pas là-dedans, si c’était là l’objet de votre aimable et stupide remarque.
- Comme vous voudrez. Peu m’importe au fond, vous avez raison. En revanche je doute que le Général de Jarjayes apprécie toute la portée de votre bel esprit d’indépendance. Après tout c’est par estime pour lui que j’ai accepté de vous sup...de vous aider n’est-ce pas, il comprendra certainement que vous le défiez en me congédiant...Voulez-vous retourner au domaine le lui dire immédiatement ?

Vermine. Oscar mâcha sa colère et sa frustration, et un peu sa propre faiblesse : si défier son père ne l’effrayait pas outre mesure, contrecarrer ainsi le point essentiel de son plan tordu était inconcevable. A moins de finir six pieds sous terre.
Elle releva le menton en signe de mépris, mais se tut. Bien obligée. A moins...avait-on spécifié qu’elle y mette du sien ?

- Vous paierez cher, Lieutenant...promit-elle en balançant les rênes. Cette mission finira un jour et vous verrez alors, vous...
- Certes. Avancez Jarjayes, avancez pendant que mes vieux os s’entrechoquent de terreur.

Mission, cauchemar plutôt...Dès le seuil franchi Oscar faillit se trouver mal, ce qui se résumait chez elle à vouloir sauter par la fenêtre en ayant tout pulvérisé dans la pièce juste avant, choses et gens.
En l’occurence des tissus, des mannequins de bois sanglés de vestons brodés, des hauts-de chausses, des bottes, des...

- Vicomte ! Monseigneur, mais quel plaisir ! fusa un très fort accent britannique.
- Cher ami, je suis confus de venir ainsi à l’improviste, mais l’urgence de la situation nécessitait...

Un homme extraordinairement maigre et distingué venait vers eux, vers Girodel plutôt, qu’il accueillait avec une joie visible teintée d’admiration. Comme à peu près tout le monde aujourd’hui. De même qu’à la Cour en fait.

Bon sang mais quelle substance leur faisait-il ingurgiter ?

Elle leva des yeux soupçonneux à la recherche de cornes et de sabots fourchus...

- Vous savez sans doute qu’il y a bal de soir à Versailles, n’est-ce pas ?
- Yes, indeed. Voulions-nous un nouveau costume ?
- Non, non, je venais en fait pour ce...hum, pour mon supérieur, le Capitaine de la Garde Oscar de Jarjayes.

Si le titre produisit quelque effet, le regard qui se posa dans la foulée la renseigna aussitôt : sur une échelle d’élégance absolue, le tailleur la situa très exactement au même niveau qu’une betterave. Ce qui bien entendu attisa et son animosité et sa volonté de faire le contraire de ce qu’on attendait d’elle. Comme de toute façon la jeune fille ne comprenait toujours pas la pertinence de sa présence, elle fit mine d’ignorer le grand échalas qui détaillait sa tenue, en tout point parfaite.

- Oh my God, mais quelle horreur...
- Je ne vous le fais pas dire. Pensez-vous pouvoir faire quelque chose en si peu de temps ?

L’homme se mit à lui tourner autour tel un vautour, lâchant des onomatopées incompréhensibles.

- N...non mais dites donc ! lâcha une Oscar profondément vexée et dont la moutarde montait visiblement au nez. Qu’est-ce encore que ce traquenard Girodel, et vous, qui êtes- vous, d’abord ! Je n’ai pas pour habitude qu’un valet vienne ainsi renifler mes ourlets figurez-vous !

Le vautour eut un haut-le-corps puis rougit en pinçant les lèvres violemment, preuve qu’il n’aimait pas du tout les betteraves.

- I...I beg your pardon ?
- Ne faites pas attention cher ami, intervint précipitamment Girodel en l’entraînant plus loin, gratifiant au passage son supérieur d’un regard noir. Je vous le demande comme une faveur : j’attends de vous un miracle, certes, mais...

Foutrecul ! Oscar faillit se lancer à leur suite pour...pour quoi au fait ? Elle détailla de mauvaise grâce sa tenue dans un des miroirs en pied posés là. Tout était de la même couleur bon sang, de la veste au soulier, que voulait-on de plus ! Absolument parfait, oui.
En comparant avec l’un des habits exposés elle eut cependant un léger doute...

- Mais c’est impossible, l’avez-vous vu ? A...”A piece of shit” comme disent mes employés ! Oh...so sorry Votre Grâce, je ne...
- Exactement cela, de la merde en barre, s’exclamait Girodel avec ravissement.

Oscar ferma ses poings et fonça, plus betterave que jamais.

- Le grand Alastor Farworth consent à vous pardonner, Capitaine, grimaça le moins aimablement du monde le Lieutenant en s’interposant. Passez donc dans l’antichambre et tenez-vous tranquille je vous prie...

Prise entre la double tentation de sauter à la gorge de l’insolent et déplumer sur-le-champ le vautour, elle se laissa surprendre : ce dernier s’agenouillait, une arme à la main.

- Get off...enlevez votre pantalon, Capitaine.
- Je...je vous demande pardon ?!!

Oscar arracha le mètre des mains du tailleur le mettant à terre dans la foulée pour déverser les pires insultes qu’oreille anglaise  eût jamais entendues.
Le rideau vola bientôt à tout vent, la jeune fille de nouveau saisie en ce qui devenait un sport national pour le lieutenant.

- Non mais vous êtes fou Jarjayes, qu’est-ce qui vous prend !
- Ce...cet oiseau de malheur m’a palpé les fesses, lâchez-moi je vais le tuer !
- M...je prenais juste...ses...mesures ! Vicomte, à moi, je...

Le petit fumier...
Bien sûr qu’il le faisait exprès ! Il avait été bien naïf de croire à un fait isolé, dans ce salon. Croire qu’il se calmerait après le sermon de la ruelle.
Créant scandales après scandales tant que durerait leur infernale collaboration, humiliant ses connaissances, le discréditant ouvertement...voilà donc toute sa stratégie.

Maîtrisant son désir de serrer plus que de raison, Girodel parvint à ses fins et rejeta loin son Capitaine. Il était fort le gredin, sous ses airs de chat sauvage. Comparaison ne fut jamais plus juste à cet instant avec cette tignasse blonde qui lui mangeait une bonne partie du visage, ses doigts crispés, la dangerosité latente de son caractère.
De son sale caractère.

C’était tout de même une découverte, bien qu’il s’en soit toujours douté. Il y avait plus que de l’ennui qui le tenait...eh bien, qu’il bondisse une nouvelle fois, son poing était tout disposé à lui apprendre la plus élémentaire des politesses ! Foutus Jarjayes, père et fils. ...Non, pas le Général. Il estimait sincèrement cet auguste personnage. Et pourtant il fallait préserver la monstrueuse progéniture du militaire, la dorloter...une bonne tasse de lait chaud arrosé de cyanure pour le petit chaton ?
Le cogner, oui.

Comme un peu plus tôt il le catapulta dehors, non sans avoir payé à prix d’or un costume qui ne lui irait pas. Ce serait de toute façon mieux que les fripes qu’il portait. En tenue militaire il tenait son monde, mais là...personne pour lui dire que la couleur marron prêtait à confusion à la lueur du jour ? Il valait mieux jeter aux oubliettes cette idée de bal de toute façon. Si seulement il pouvait faire de même avec tout le reste...

- Par tous le dieux mais savez-vous QUI vous venez d’insulter ? explosa t-il d’une colère froide. Celui que Sa Majesté Elle-même a chargé de surveiller les plus hauts dignitaires étrangers qui passent entre ses mains !
- Si vous refaites ça encore une fois Girodel, je vous...Quoi ?! Un mouchard ? Après Rose Bertin cet espèce de poteau à moineau ? Vous allez me faire croire que toute la politique se joue avec un dé à coudre maintenant !
- Vous devriez le hurler un peu plus fort, au cas où ceux qui nous suivent depuis ce matin aient encore quelque doute sur notre fonction.

Il empêcha son mouvement de tête en le bousculant contre l’échoppe d’un rétameur.

- En plus d’être ennuyeux vous êtes dangereux, Capitaine, dangereux de stupidité ! Que croyez-vous, que Ses Majesté vous ont assigné la charge de convertir la Grande Catherine par simple désoeuvrement ? Que je suis là pour vous apprendre à jouer à chat perché avec la Tsarine une bonne tasse de chocolat chaud à la main ?
- Ne vous croyez pas si malin, Lieutenant ! se dressa t-il sous son nez. Je vous l’ai dit, si vous continuez à me souffler au visage comme une vieille femme aigrie je vous jure qu’il va y avoir du meurtre ! Et avec un dé à coudre si vous le souhaitez !


Son supérieur ne comprenait rien, ce qui ne l’étonnait guère. Girodel se demandait même dans quel secteur il pouvait être à l’aise, ce curieux jeune homme. Il n’était visiblement pas porté sur les femmes. Sur les hommes pas davantage. En fait il n’arrivait pas à le cerner et cela augmenta un peu plus sa mauvaise humeur.

- Ne vous vantez pas...grommela t-il. Je ne serais pas disposé à perdre ce duel-là cette fois...

Il regretta aussitôt ces mots, tourna le dos pour couper court aux protestations qui ne manquèrent de l’ensevelir dans la seconde...
Peine perdue, les chats sauvages sont d’ailleurs réputés pour ne jamais lâcher leurs proies.
Apprendre, apprendre...mais quoi bon sang ! Ce jeune blanc-bec était si empoté sous ses grands airs, si exaspérant, si...la seule stratégie à peu près fiable qui se dégageait de tout ceci restait encore et toujours de lui envoyer un poing au visage. Très constructif...tout cela l’ennuyait, oui. Au plus haut point.
Agacé par son propre agacement, voilà la vérité, en lui se lézardait un sang-froid durement acquis et le lieutenant n’aimait pas ça du tout.
Disposé à perdre...sa rationalité l’avait poussé à ce genre de décision, il ne s’en plaignait pas mais n’avait jamais formulé la chose de manière si évidente. Il aimait sa charge et ses hommes, aimait sa vie, rationnelle et organisée, emplie de fêtes, de conquêtes féminines, en homme maître de son destin.
Du moins en apparence car sa nature bouillonnait d’envies trop souvent tues.
C’était cela, sa force. Se taire.
Tel qu’à présent, tandis qu’ils revenaient au domaine Jarjayes, son monstrueux héritier sur ses talons les reproches à la bouche.
Souvent il revenait en pensée à ce tout premier duel, à cette toute première rencontre avec celui qui deviendrait son supérieur, pourtant bien plus jeune que lui alors.

Parce qu’il avait été surpris, cueilli, même, par cette sorte d’aura qui émanait du jeune garçon de l’époque. Souple, dur, agile, ...il avait décelé immédiatement une forme de brillance, de talent inné, de celui qui ne s’apprend pas et séduit hommes et femmes confondus.
Mais son expérience à lui, Girodel, en serait aisément venue à bout. Hum..., pas tant que cela, d’accord. Il n’avait pas fait semblant d’être dominé, un peu, au début de leur échange. Voyant toutes les promesses que ce flamboyant jeune homme déversait à tous vents, l’élémentaire bon sens lui dicta de s’effacer. Non pour - quelle horreur - vivre perpétuellement deux pas à sa suite, mais pour voir oui, pour assister à la fascinante ascension d’un tel personnage. Par admiration ? Evidemment. Et beaucoup par curiosité, sous la prescience que l’on ne peut rencontrer cela qu’une fois dans une vie.

Alors il se nichait peut-être là, l’agacement d’être agacé : voir cet être gâcher toute cette promesse devait lui retourner les sangs. Il ne pouvait s’être à ce point trompé...à moins que ce morveux ne soit plus seul qu’il n’imaginait. Personne pour lui dire ses quatre vérités, lui montrer que...mais foutrecul voilà qu’il raisonnait comme une mère gâteuse !

- ...vous aurez beau pérorer, Lieutenant, poursuivait son supérieur en pénétrant à sa suite dans le couloir de sa propre demeure, vous êtes fat, vous êtes confit de votre propre importance qui n’est pour moi que la plus misérable des poussières sur mes bottes ! Traînez-moi à ce Bal et à tous les endroits que vous voudrez et je vous jure que je saurais vous le faire regretter ! Si je consens à ne rien dire à mon père, ne vous croyez pas autorisé à me donner des ordres. Que répondrez-vous à cela ?

Girodel se retourna, regarda cet être s’agiter sous son nez et sans sommation le saisit par la nuque. Il posa rudement ses lèvres sur les siennes, méchant, féroce, si âpre qu’il en eut la bouche meurtrie. Moins que les joues imberbes de son Capitaine, sur le point d’exploser quand il le relâcha. Enfin muet.

- Vous voyez ? Je peux vous humilier moi aussi, c’est même la chose la plus aisée au monde. Et je recommencerai ce soir, devant toute la Cour, demain, si vous vous avisez de ne pas faire très exactement ce que je veux. Je n’ai cure de ma réputation, Jarjayes, je n’ai rien à perdre car j’ai déjà tout gagné. Vous pourrez en rire, grogner, cogner, que cela ne changera rien. Mais fort bien. Vous avez raison, nous n’irons plus nulle part. Je vais vous écouter.


Pleinement satisfait, le Lieutenant crut même atteindre une petite parcelle de Paradis en étendant ses longues jambes sur la table de l’office, un verre de vin fin à la main, confortablement assis en bon propriétaire.
Sous le toit de son Capitaine, suprême délice !
Ce dernier s’étouffait, tempêtait, explosait...réduit au silence par l’horrible affront, un baiser entre hommes, ...idée aussi répugnante que brillante,
Girodel dégusta le tout comme un met rare. Cet énervé ne s’avait plus où se mettre.
Réellement parfait.
il était prêt à recevoir le dernier poison savamment distillé par ses soins.

- Puisque vous n’aimez guère mes méthodes je vais me conformer aux vôtres : c’est la leçon qui va venir à vous. Ici. Je prends mes quartiers mon Capitaine, j’investis, je m’installe, quoi de plus normal pour un précepteur n’est-ce pas ? Je réponds donc à vos voeux, plus de lieux intolérables ni de luttes de pouvoir, vous prendrez les conseils à la source même de la sagesse. Tout cela n’est-il pas gentil ? Et pour ma toute première classe dès demain matin, il me vient une idée...une idée qui va vous plaire, vous fasciner, même, j’en suis persuadé. Vous allez adorer...


 

 

 

5.


 

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