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Chapitre 2.

 

La Veuve blanche

 

 

« …là où tu habites

se trouve le trône de Satan »

Apocalypse

 

 

 

 

 

- Je sais : tout cela manque d’éléphants ! Je veux absolument en acquérir un dès notre arrivée à Solna.

 

La feld-maréchal détourna un bref instant son regard du beau cavalier escortant leur convoi pour porter attention sur un point, essentiel, de son existence : quand donc avait-elle failli dans l’éducation de sa fille ?

 

- Puis-je savoir d’où vous vient cette extravagance je vous prie !

 

Guère intimidée par le tranchant de la répartie, on soupira sous une nouvelle vague mélancolique.

- Ou bien des panthères…non, des autruches ! Avec de beaux jeunes gens parés de brocards et de bijoux somptueux. L’ami d’Oscar présiderait le tout, il serait magnifique…

- Sofia !

- Mais qu’ai-je dit, Mère ? Ce voyage est d’un banal, d’un ennuyeux…ce serait tout de suite bien plus amusant si on rajoutait « un peu » d’exotisme, je vous assure. Et pourquoi ne puis-je monter au dehors avec les autres d’abord !

 

Edvig-Catherine afficha un air à ce point terrible qu’il ébranla le fragile édifice que constituaient les nerfs de la gouvernante, présente aux côtés de la jeune fille. La pauvre femme se fit aussitôt un devoir de morigéner sa protégée dans l’unique espoir d’attirer faveurs et confiance mises à mal depuis le début de ce voyage.

La feld-maréchal délégua sans efforts le rôle réjouissant de marâtre auprès d’une progéniture si peu impressionnable, pour revenir contempler ces « autres » justement, ou plutôt Elle, pour parler vrai.

Cette militaire semblant tout droit sortie d’un lai médiéval : voilà bien l’héroïne qui leur manquait à tous…revenue à son état premier de Capitaine de la Garde, elle flamboyait sur ces chemins baignés de lumière grise, absente de son propre charme et par là-même impériale.

Hans semblait partager ce point de vue.

 

- Je ne sais de qui vous tirez cet esprit détestable, mon enfant, mais il serait approprié de ne point me contrarier davantage sous peine de la seule punition imaginable : rentrer aussitôt à Drottningholm pour ne plus quitter votre chambre jusqu’à votre mariage. Est-ce clair ?

- Oh ! Mais, Mère …je veux voir le Roi et faire mon entrée à la Cour ! Je…je suis désolée, je serai sage je le jure, je…

 

 

Promesse d’hirondelle. Mais les quelques minutes suivantes y gagnèrent en quiétude relative.

 

Il ne fallait guère espérer plus du charmant petit monstre : impossible de la tenir tranquille lorsque des voix montèrent bientôt, la jeune fille très vite sur le fait en jetant ses curiosités réjouies à tous vents.

 

- Mère, Mère regardez ! Père et le Général vont encore se battre !

- Voulez-vous bien vous rasseoir, vous avez l’air d’un garçon de foire à vous agiter ainsi à la portière ! Et de quoi s’agit-il par tous les dieux, vous avez donc tous décidé de me faire mourir de honte aujourd’hui ?

 

Un splendide bâtiment était à quai, battant les couleurs des Fersen. Le personnel chargé d’en accueillir les propriétaires pour la traversée d’un des bras du lac Mälar contemplait, effaré, la scène improbable : deux personnages illustres jouant mutuellement du menton comme les plus tatoués des marins du vieux port.

 

- Répétez, si vous l’osez ?

- Parfaitement, Monsieur ! Vous n’êtes qu’un âne bâté : je ne saurais tolérer que mon petit-fils passe sa vie à fond de cale ! Voulez-vous en faire un couard, un sang de navet ?

- Et que venez-vous nous parler légume lorsque l’on vous parle raison ! Est-ce si difficile pour votre petit esprit français de concevoir que nos eaux grandioses cachent des malveillances pour les jeunes poumons ?

- Grandioses, faites-moi rire : Arras, voilà l’héritage qui déjà coule dans les veines de cet enfant, le véritable océan est d’un tout autre prestige face à vos petites mares crapoteuses, croyez-moi ! Laissez-nous donc entre hommes, mon petit-fils et moi.

Il fera cette traversée sur le pont, comme un Jarjayes !

- Si vous osez toucher un cheveu de mon petit-fils, vous allez très vite connaître toute la sympathique colonie qui abrite les « petites mares » de notre pays ! Vos airs fourbes de tortionnaire domestique ne m’impressionnent guère, Général, si votre fille n’ose rien vous dire je vais me faire le devoir d…

- Hans-Ludvig fera la traversée en compagnie de sa mère. A l’intérieur.

 

Oscar vint cueillir son fils d’entre les bras de Hilda, non loin des deux hommes, et du haut de son cheval regarda ces parents terribles. Puis d’un coup, éperonna.

Un souffle unanime gonfla les poitrines face à la rude beauté de l’animal hardiment lancé au-dessus du bastingage du pont supérieur, dédaignant la passerelle qui déjà accueillait les montures d’André et de Hans.

Les applaudissements et les rires des jeunes hommes n’atténuèrent en rien la rage des patriarches : guère sensibles à ce jugement de Pâris ils se quittèrent aussi aimablement que deux molosses des bas-fond se défiant du chicot.

 

La feld-maréchal leva les yeux au ciel, peu dupe de les savoir secrètement satisfaits de retrouver leur jeunesse par la détestation de l’autre, et aussi enclins à semer le trouble à la Cour du Roi que ces pachydermes si prisés par sa fille…

 

- Lorsque je te disais que tu serais un père incomparable ! lança Fersen venu tenir les rênes du superbe alezan.

- Comment ? sourit Oscar. Tu ne m’agonis pas de reproches face à ma détestable manie de n’en faire qu’à ma tête ?

- Je crains fort que ce ne soit pour Niel une sorte de marque de fabrique, un moule très difficile à casser : regarde…

 

Le petit garçon, rendu quasi sphérique par l’amoncellement de fourrures dont sa nourrice l’avait pourvu, battait sauvagement l’air de ses pieds tout en tirant en vain sur les crins de l’animal.

Les cris postillonnants contre sa manche d’uniforme achevèrent de convaincre la jeune femme : malgré ses quatorze mois d’existence il entendait à ce qu’on monte désormais dans un bateau exclusivement de cette manière, et si possible encore une fois. Là, tout de suite.

Elle se saisit de l’adorable boule de poils et la tint haut devant elle, riante de le voire rire de ses petites dents, parfaites, « Ma ! Ma ! Ma ! Ma ! » ses joues et ses yeux avides de capter chaque sensation qu’elle lui ferait vivre.

 

- Il a dit « maman » ! Hans il a dit « maman », tu as entendu !

- Je crois surtout qu’il a faim, protesta le jeune homme faussement vexé.

« Ma ! Ma ! Ma ! Ma ! » scanda aussitôt l’enfant quand il le reprit contre lui.

- Tu vois, fit-il, malicieux. Oui mon tout beau, nous allons manger tout de suite, moi aussi j’ai une faim de loup !

- Pfeuh…vous les Fersen mâles n’êtes qu’un ventre, c’est désespérant, grogna Oscar pour la forme en descendant de cheval.

- Par Saint George, je crois bien que c’est moi qui vais nourrir les poissons du lac : vos parents vont me tuer, Hans…

 

Le couple découvrit les signes enthousiastes de Sofia encore sur le quai, destinés à un André si contrit qu’il déclencha le rire involontaire de ses compagnons.

- Ma sœur vous admire, mon cher, il n’y a rien à en redire.

- Mais je n’ai rien fait pour ça ! Ce n’est pas moi qui me lance à cheval sur les ponts des bateaux il me semble. Je vais devoir à présent ruser pour éviter mademoiselle Sofia sinon votre père aura…bonté divine, ils viennent sur moi !

- Pauvre André, pouffa Oscar en le voyant entraîner précipitamment les chevaux vers l’arrière du bâtiment. Il ne se rend pas compte de ce que son charme provoque, décidément…

- Hé, tout doux Capitaine de Jarjayes ! Interdiction de gloser sur un autre charme que le mien je te prie.

- Et jaloux qui plus est : bel exemple à suivre mon cher petit ! Viens donc ici, que je te sauve de tant de turpitudes.

 

Oscar enlaça son fils pour le seul plaisir de le respirer, sentir la fraicheur de sa joue sur la sienne, ses lèvres malhabiles qui commençaient à mimer des baisers aussi humides que de petites grenouilles. Puis de ses poings fermés l’enfant se fit un devoir de tourner les boutons dorés de l’uniforme en tout sens, comme s’il se fut s’agit d’un jeu de construction complexe.

 

- Je ressens parfois tant d’amour pour lui, pour toi, cela me terrifie…connais-tu ce sentiment ?

- Oui, et depuis bien longtemps…

 

Hans s’approcha pour déposer un léger baiser sur les lèvres de la jeune femme, ce qui fit glousser le petit Niel de se voir ainsi enserré de trop près.

- Et voilà pourquoi les Fersen se réfugieront toujours dans la victuaille mon cher ange, grands amoureux que nous sommes notre poésie se clame non par la vertu de la rime ternaire mais par le pot de pâté. Venez donc Monsieur mon fils, nous allons de ce pas chanter la gloire de votre mère et toute l’admiration qu’elle nous inspire en attaquant vaillamment des gâteaux mous ! Cependant…

 

Emportant l’enfant il se tourna dans la foulée, terrassant de séduction.

 

- Ne croyez pas vous en sortir ainsi, Capitaine. Vos boutons d’uniforme méritent des mains un peu plus viriles qu’à l’instant et vos lèvres ont ce goût d’inachevé qui ne me sied pas du tout. Vous êtes amoureuse d’un diable, ne l’oubliez pas.

 

Oscar éclata de rire mais s’appuya néanmoins comme elle put : ce regard-là lui donnait toujours une faiblesse certaine dans le genou.

 

 

 

****

 

 

Gustav III écoutait en battant la mesure de son index, preuve chez lui d’une profonde contrariété.

Se levant de son bureau il interrompit d’un geste le funeste compte-rendu puis se planta devant le gigantesque portrait de son père, feu le roi Adolphe-Frédéric 1er de Suède. Il y médita un moment puis lança, dans un français presque parfait :

 

- Je vous somme Duc d’Aigremont, de faire cesser cela sur-le-champ !

 

L’interpellé jeta un coup d’œil embarrassé au Comte de Löwenhielm debout à ses côtés, ce dernier visiblement tout aussi mal à l’aise par la tournure que prenait l’audience : porter à la connaissance du roi des faits horribles était une chose, lui suggérer des méthodes pour le moins…progressistes en était une autre.

Le Comte décida malgré tout de se lancer dans l’arène afin de soutenir son homologue français.

 

- Je…permettez-moi, Sire, de vous faire remarquer que le nœud du problème est dans ce « cela », justement…Rien n’est simple, je vous l’assure.

- Voilà bien une réponse de diplomate…maugréa le jeune monarque entre ses dents.

- Je…heu…oui, certes, bafouilla l’aristocrate suédois. Mais ce que la diplomatie peut forger nul bras armé ne saurait le défaire, précisément…Je vous supplie de considérer notre requête car elle a tout lieu de satisfaire votre désir de vérité…et qui plus est sans affoler les foules.

- Cela, c’est ce que vous désirez plutôt me faire admettre ! Pourquoi ne pas réunir le conseil de guerre, mandater mes Généraux ! Et non vos...

 

Les conseillers s’entre-regardèrent de nouveau afin de laisser prudemment l’orage aigre balayer les tapis de la pièces.

Ce jeune roi ayant déjà tant fait pour son pays, le menant sans faillir à travers ce siècle des Lumières en abolissant la torture, libérant la presse du joug du pouvoir, édictant des lois pour protéger les plus pauvres, ne pouvait ignorer la pertinence de leurs vues.

Mais revenir aux méthodes souterraines ne pouvait que le heurter de prime abord. Même le mot lui déplaisait.

Le Duc revint à la charge.

 

- Votre Majesté, ces deux hommes sont les meilleurs, les meilleurs !

- Oui, je connais Fersen…mâcha le Roi de mauvaise grâce, se gardant bien d’ajouter que la Loge maçonnique qu’il venait d’intégrer résonnait sans cesse de louanges à l’endroit du sémillant espion. Cependant, quid de ce français ! reprit-il. Est-il besoin de s’allouer les services d’un militaire si…décoratif à ce qu’il paraît ? Vous qui prôniez la discrétion, voilà bien de l’humour.

- Au contraire, sachez qu’ils ont fait merveille dans une certaine affaire française il y a quelques années, ils…

- Oui, je sais cela. Il n’y a pas que le feu Louis XV et son Cabinet Noir qui peuvent se targuer de tout savoir sur tout, d’Aigremont !

 

Le diplomate français accepta de bonne grâce la remontrance, aussi vigoureuse que justifiée.

 

- Je ne cherchais point à vous offenser, Votre Majesté, ploya t-il.

 

Gustave III fit quelques allées et venues, ruminant ses contrariétés.

- Mais tout de même, cet ancien Capitaine de la Garde, est-ce bien nécessaire !

- Essentiel, en vérité, répondit au vol d’Aigremont. Et Capitaine, il l’est toujours.

- Malgré le couronnement du nouveau Roi ?

- La Dauphine, enfin je veux dire, Sa Majesté la Reine Marie-Antoinette lui est très attaché, Elle a tenu à lui garder sa charge malgré son absence à la Cour.

- Ah oui, j’ai également entendu ces rumeurs…les deux hommes seraient…proches à ce qu’il paraît.

- Heu…je…non, tout du moins pas dans le sens dont l’entend Votre Grâce, ils font merveille dans toute affaire criminelle mais…hum…il n’y a pas, enfin…

- Inutile de s’étendre sur le sujet, cela n’a de toute façon aucun intérêt et ne changera pas mon impression première : je n’aime pas votre idée, conclut le roi sans ambages en reprenant la contemplation du tableau monumental.

 

Ce fut l’intrusion d’un homme en livrée couleur de la maison du Roi, bleu et or, qui les libéra du silence inquiétant.

 

- Votre Majesté, la révérende-mère de la Sainte-Trinité est ici et attend vos bonnes grâces…

- Faites-la entrer immédiatement ! Oui, je souhaitais avoir son avis sur la question, précisa t-il aux deux hommes, surpris. Après tout, elle est tout de même la principale victime dans cette affreuse histoire…et pourra également nous fournir des détails qui étayeront mon point de vue j’en suis sûr, j…la voilà enfin !

 

L’empressement se tempéra aussitôt à la vue du personnage pénétrant dans le Salon de Guerre.

Le contraste entre les armes et autres cartographies claironnant les victoires passées, et la piété aristocrate venant à eux ne pouvaient que surprendre certes, mais ce fut bien davantage la mise particulière de la religieuse qui tous les saisit.

 

Entièrement vêtue de blanc jusqu’au rosaire suspendu à sa ceinture, la révérende-mère Adélaïde née marquise Ganne de Beaucoudrey n’offrait point la sereine splendeur attachée à sa charge.

Une âme perdue, voilà ce qu’exprimaient les yeux profondément enfoncés dans l’arcade sourcilière ; sans plus de substance sinon une sorte de terreur les rendant aussi brillants que tenaillés par le haut mal.

Jusqu’à cette tenue de grand deuil, comme le voulait l’époque, qui renforçait encore l’aspect sinistre de sa présence.

Tel un spectre elle avançait, accueillie prestement avec tous les égards dûs à son rang par le roi, enfin revenu de sa surprise.

 

- Veuillez vous asseoir, Excellence, et pardonnez le récit futur que je me dois de vous imposer. Mais il nous faut comprendre afin de combattre cet ennemi qui nous assaille et nous frappe si durement…

- Un ennemi, Sire ? Satan lui-même a décidé de s’incarner en nos murs. Nul ne pourra s’y soustraire, nul ne pourra en réchapper. Et bientôt vous aussi devrez faire face à l’horreur de sa nature de Bête.

 

Gustav III jeta un regard d’intelligence à ses ambassadeurs : exaltation si typiquement religieuse…

Un instant plus tard il se rassit avec peine, donnant tous les signes d’une raison chancelante.

 

 

 

****

 

 

- Je te déteste !

 

Oscar s’effondra sur le dos, en sueur, un rire masculin à ses côtés démentant la sentence.

Elle tenta de reprendre souffle en contemplant le dais au-dessus d’elle.

 

- Tu me tiens par les sens de manière intolérable, à cause de toi c’est à peine si je me reconnais…j’ai horreur de ça et tu le sais !

- Et c’est toi qui parles en victime, on aura tout entendu. Alors que tu embrouilles les miens, de sens, et de la plus vile des façons. Ah, ces français…

- Vrai ?

La jeune femme tourna un visage illuminé vers la nudité spectaculaire de son amant, allongé comme elle dans ce lit dévasté.

- Ainsi donc…tu me considères comme une experte ? Ou bien tu te moques, parce qu’avec toi…si tu te ris de moi je te jure qu…

 

Le sourire de Hans se trouva dans la seconde sur sa bouche, vite relayé par une ardeur dépourvue de toutes railleries. Sans aucun doute possible.

- Stupide petite fille, murmura t-il d’une voix rauque. Comme si tu ignores la science que tu déploies à me faire perdre tous mes moyens…

- Pas tous, non, fort heureusement.

- Très drôle. C’est moi qui devrais me plaindre en vérité, encore plus depuis que tu redeviens cet insupportable Capitaine de Jarjayes. Je ne peux résister à tes vêtements d’homme tu le sais fort bien.

- A mes vêtements de femme non plus te ferai-je remarquer.

- Mmh…certes. Je reconnais en effet que tu es bien mieux toute nue.

- Toi aussi.

 

Leurs baisers reprirent de plus belle, scandés par ses gémissements quand elle sentit la main du jeune homme se glisser entre ses cuisses. Elle l’arrêta comme elle put.

 

- Sshhh…arrête, écoute !

- Quoi, grogna t-il en n’arrêtant rien du tout.

- Ils vont nous entendre ici, tu…mais arrête te dis-je ! Que vont-ils donc penser, ils doivent certainement nous attendre pour le thé ou je ne sais quoi !

- Au diable le thé. Ma cousine me sait de toute façon suffisamment dépravé pour préférer des substances plus sulfureuses : toi.

- H…Hans retire ta main ! Cela ne se fait pas, nous venons d’arriver, je…

 

Elle écrasa sa protestation jouissive contre l’épaule moite, tout en tâchant de garder un semblant de contrôle. Vieux réflexes de ses classes de caserne.

- Axel de Fersen, si tu continues de…de…

- Oui ?

 

Le mécréant, il savait s’y prendre ! Les prunelles grises contemplaient avec un plaisir non déguisé la rougeur monter à ses joues.

 

- Ce qui me rend fou chez toi est ce mélange d’audace et de pruderie…alors, que suis-je en train de faire ?

- J…je ne te le dirai pas ! souffla Oscar, sous les doigts inquisiteurs.

- J’ai pourtant adoré tes mots d’encouragement, tout à l’heure, pour m’inciter à mieux te prendre…

- Rustre !

- Et toi je me demande parfois si tu es humaine : tu as le don de me mener vers l’excitation rien qu’en jouant les outragées…recommence.

 

Elle le contempla avec une fierté inquiète, car il avait raison : elle devenait assez douée finalement aux jeux de l’amour…peut-être parce qu’elle ne feignait pas tant que cela le trouble.

Ils n’étaient là que depuis une heure, enfin arrivés au Château d’Ulriksdal, résidence d’été de la belle comtesse Christina. Et sitôt leurs bagages posés que Hans la plaquait contre la porte close, impatient de la jeter sur ce lit, somptueux comme tout ce qui se trouvait ici, de lui arracher la plus petite parcelle de vêtement, de…

 

- Hans, bon sang !

Elle se cabra sous une nouvelle attaque, à peine plus appuyé qu’un effleurement.

Posée là, sur ce qu’elle détestait nommer « sa féminité ». Cela sonnait toujours trop mièvre dans son esprit, leur façon de faire l’amour se devait d’inventer d’autres mots. Le fait même qu’il la touche n’était plus organique, ses sourires, son regard cachaient mille pièges érotiques par la seule vertu de leur joute éternelle : qui l’emporterait ? L’abandon absolu, voilà l’enjeu. Et la jouissance leur victoire commune.

Oscar empoigna fermement le drap pour ne pas hurler défaite trop vite, précisément parce qu’elle ne comprenait que trop le beau Hans : il la voulait entière, à lui, avant cette sombre mission promise par la mère du jeune homme. Ils avaient audience dans moins d’une heure et il ne pouvait s’empêcher de la tordre contre lui, comme nul autre avant lui, laissant aller ses doigts loin en elle pour chercher le moment où l’azur de ses yeux se déroberait au monde. Morte un moment, souriante, il voulait cela pour lui seul.

 

- Que tu es belle…murmura t-il justement, la voix altérée.

Cette musique toute simple épanouit ses cuisses, libérant plus de sensations pour elle et ce brin d’orgueil qu’elle détestait adorer chez lui.

- Oh non…hacha t-elle, ne commence pas avec tes airs supérieurs…ce…ce n’est pas…parce que…

- Mmmh ?

- …parce que…

- Veux-tu que j’arrête ? glissa t-il un rien pervers au creux de son cou, alors qu’il accélérait le rythme.

- A…alors ça, c’est petit…tu vas me…je vais…non !

 

Elle le repoussa avec force, étreinte et affamée, telle qu’elle se découvrait invariablement entre ses bras.

Il apprécia le regard de louve qu’elle dédia à son membre tendu. Son souffle défaillant, à elle, devint un peu plus rare.

 

- Hans-Axel de Fersen…pensais-tu vraiment me…réduire à un être spongieux éperdu de reconnaissance ? Tu vas…tu vas voir ce qu’il t’en coûte de prétendre me faire jouir sans mon consentement !

- Hypocrite…grogna t-il. Attend ! Il la retint tendit qu’elle se penchait sur une partie intéressante de son anatomie. Si jamais tu décides de faire ce que je pense que tu t’apprêtes à faire, je crains un retard conséquent à notre audience royale. Difficile alors de lui en dire la nature, Capitaine de Jarjayes.

- Je dirai que tout est de ta faute. Tu es un espion ingérable de toute façon. Et tu m’as corrompue, qui puis-je…on devrait me brûler pour avoir autant envie de toi…

 

4.

 

 

 

 

 

 

Le château d'Ulriksdal.

Je vous laisse choisir où est la chambre de Fersen et Oscar... ;)

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