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Chapitre 19

 

 

Oscar avait un abominable défaut : ses vêtements.
Le Lieutenant de Girodel s’en rendait compte avec un mélange de frustration et de plaisir mordant, gage d’un instant de totale perte de contrôle.
Son supérieur le rendait fou, au sens premier du terme. Cela devenait stupéfiant.

Son parfum, surtout...il s’en grisait au creux de son cou, embrassant le peu de peau que ce satané col de chemise d’homme lui offrait.
L’envie de la posséder dans ce lieu inapproprié était si puissante, qu’un instant il faillit oublier le deuxième défaut abominable d’Oscar : son père.

Mais ce dernier venait, justement, convoqué par on ne savait quel mauvais goût pour troubler si savante débauche. Girodel jura en se dégageant de ce corps tant désiré, s’appuya contre une des portes des stalles en rêvant de strangulations caractérisées. Chose peu facile à mettre en pratique lorsque vous êtes en pleine érection.

- P...père ?
- Ah, vous voilà donc mon fils ! Girodel ? Mais vous passez vos journées dans la grange dites-moi !
Foutu Général.
- Et qu’avez-vous, êtes-vous souffrant ?
- Il est...heu, bouleversé par ce que je viens de lui apprendre, intervint précipitamment la vaillante Capitaine.
Toi, je t’adore...
- Ah, nos ennemis n’est-ce pas !
- Père, vous devriez le brailler encore plus fort.
- Oui, bon, bien...mais tout cela a l’air si...versaillais. Et puis vous aussi semblez étrange : non mais regardez-vous !  On vous dirait sorti d’une boite à repriser. J’aimerais un peu plus de bonne tenue à cette enquête, monsieur mon fils. Je vous rappelle que vous représentez Ses Majestés, vous semblez l’oublier un peu trop facilement ces derniers temps. A cause de vos leçons peut-être, d’ailleurs à ce propos où en êtes-vous Lieutenant ?
Au meilleur Papa, au meilleur...

Respirant une nouvelle fois profondément, Girodel fit face.
Cet homme le détestait, c’était palpable. Peu importait.

- Que voulez-vous savoir, Général ? Si votre fils sera à même de se jeter dans la gueule du loup avec toute “la bonne tenue” requise, ou bien s’il saura garder son sourire d’ange lors des turpitudes avec la Tsarine. C’est bien cela ?

Le jeune homme eut le plaisir indicible de voir la mine sévère s’empourprer.
Autre jouissance.
En plus fade, tout de même, d’autant qu’il crut capter non pas le courroux d’Oscar mais sa discrète envie de rire. Voilà qui était nouveau. Il savait pertinemment qu’elle allait le tancer vertement dès que son père aurait tourné les talons, il s’en réjouissait d’avance.
Il adorait la faire sortir de ses gonds...l’envie de l’embrasser atteignait toujours des sommets vertigineux alors. A toujours lutter, elle était un adversaire à sa mesure; et son désir, à lui, en devenait redoutable.
La perspective des délicieux châtiments qu’il réservait à cette indomptée lui fit presque oublier le crachotis qui s’abattait sur son col ouvert. Tudieu, le vieux bougre n’était vraiment pas content...

- Vos bravades ne vous préserveront pas éternellement, Lieutenant ! postillonait le Général sous son nez. Je vous promets des représailles dès notre retour en France, en vous envoyant mes témoins tout d’abord!
- Un duel ? Décidément, c’est de famille...ironisa aimablement le beau frondeur.
- Vous n’êtes qu’un butor ! Un vaurien d’anarchiste que je ne devrais même pas honorer de ma présence!
- Voilà une saine résolution; à appliquer sur-le-champ, peut-être?
- Insolent, cessez de vouloir le dernier mot !
- Moi ? Oh, calomnie...
- Taisez-vous !
- A vos ordres.
- Silence !!
- Je vous obéis.
- Je...je vais le...
- Père ! Cessez de hurler pour l’amour du ciel ! Girodel est de votre avis, vous le voyez bien. Il fera comme vous voulez. Calmez-vous ! Nous allons rentrer, vous de votre côté et nous juste après et bien discrètement, notre salut en dépend ne l’oubliez pas.

Le Général soupesa le bien-fondé du si beau mensonge, souffla une dernière fois son mépris humide et tourna les talons.

- Mais foutrecul, Girodel, vous ne pourriez pas vous retenir de temps en temps ?!

Délicieuse.

- La retenue, voilà bien la dernière des choses dont j’ai envie, maintenant que nous sommes seuls...Et puis tu me dis vous de nouveau, ce qui laisse augurer du meilleur.
- Tu...vous êtes...tu vas me rendre folle, Girodel !
- J’espère bien, sourit-il le plus tendrement du monde.

Peut-être ne devrait-il pas faire cela. La tendresse. Ni les baisers non plus. Et ne plus la toucher jamais...

- Oh non, non et non, pas cette fois Lieutenant. Tu ne vas pas t’en tirer de cette manière. Te rends-tu compte à la fin, c’est de mon père tout de même dont il s’agit ! Que crois-tu gagner en le défiant ainsi ?
- Je ne peux supporter ce qu’il te fait subir, j’en suis navré.
- Mais...ce n’est pas en l’étripant que tu gagneras grand-chose !
- Je ne cherche la victoire sur quiconque. Cela me révolte, c’est tout. Et puis joues les hypocrites : tu semblais goûter notre petite joute, à l’instant...
- Cesse de sourire de manière aussi déloyale ! P...pas du tout, je n’apprécie rien. Et puis...et puis vous m’agacez, monsieur. Je ne trouve pas que cela soit un traitement honorable pour celui dont je porte le nom, je...
- Ecoutez, ma belle Oscar, entama le jeune homme en accentuant le vouvoiement pompeux. J’adorerai positivement parler de votre père toute la journée, néanmoins un sujet me parait bien plus intéressant : vos révélations, quand à ce prétendu “complot”. Ainsi vous voulez passer du temps en ma compagnie...Vous le désirez donc. Vous me désirez.

Touchée.
Encore une fois sur la défensive. Il avança en notant qu’elle n’était absolument pas prête à la reddition de toute à l’heure. Tant mieux.

- Je...j’ai peut-être parlé un peu trop vite, s’embrouillait-elle, n’allez pas vous imaginer des extravagances, Lieutenant.
- Je les imagine toutes, au contraire. Ou bien un baiser me les fera oublier ?
- Un...mais non, voyons !
- Vous avez raison, Capitaine. Pas ici. Dans ma chambre, alors. Mon lit est encore intact, nous pourrions le défoncer sous une conversation sérieuse et édifiante.
- Rustre !
- Ah, ma chère...toujours, acquiesça Girodel d’un oeil charmeur.

Elle mordit une lèvre indécise. Ses yeux brillaient trop pour qu’il eût encore le moindre doute : oui elle le voulait, de manière dévorante. Ses prunelles claires couraient le long de son col ouvert, en un rappel très net de cette nuit où il s’était montré à elle, complètement nu. Elle le voulait, autant qu’il brûlait de la posséder. Mais c’était Oscar de Jarjayes, cette fille-homme si délicatement pétrie de batailles menées contre ses instincts. Dans bien des sens elle était encore vierge. Et il devenait fou d’elle. Préoccupant, vraiment.

- Et bien ? dit-il encore, le gris de ses yeux plus doux qu’un velours.
 
“Venez !” finit-elle par lâcher précipitamment, aussi gracieuse qu’une porte de geôle.
La conversation promettait réellement d’être instructive...
C’était compter sans le petit caillou qui vient toujours mettre à mal vos envies les plus primaires.
Sitôt arrivés dans la demeure, la jeune fille de la maison s’abattit sur eux comme une haridelle dans un champ de trèfles. Girodel n’aimait jamais critiquer une dame, question de principe, mais celle-ci...celle-ci était décidément peu avenante. Et comme toujours lorsqu’une personne lui était peu sympathique, il se composa une mine des plus charmantes pour la plus grande joie de leur hôtesse. Et la fureur sourde d’Oscar.

Girodel s’inclina galamment pour expliquer de manière laconique la raison de leur présence deux jours durant, dans un prussien presque sans accent. Sa mère, aussi maladivement égoïste et absente qu’elle fût, avait très tôt exigé qu’il fut élevé en futur homme des Lumières. Il parlait donc couramment l’anglais, le russe et le prussien, outre le latin bien évidemment.
Incroyable comme le langage peut vous bénir et vous damner tout à la fois...son Capitaine ne comprenait un traître mot et pourtant sa figure délicate s’allongeait, s’allongeait de plus en plus...
 

 

Il aurait bien voulu se débarrasser de l’impudente, mais comment faire lorsqu’on est homme du monde ? Il est malavisé de casser un jeune minois dans ce cas puis de le cacher derrière une tenture à coups de bottes. L’étranglement, hum...elle et le Général, cela commençait à faire beaucoup. Oscar éveillait décidément de bien étranges instincts, si il n’y prenait garde.
Ah par Dieu, une terre débarrassée de ses occupants...juste eux deux, pour l’éternité...

Mais un cataclysme menaçait, bien plus effrayant que l’anéantissement de l’humanité : Oscar s’apprêtait à prendre la parole.
Un homme du monde sait avant tout agir dans l’urgence avec la plus parfaite décontraction. Ou presque.
Il saisit par le bras une Oscar passablement énervée et l’entraîna vers le grand escalier, jetant une dernière galanterie par-dessus l’épaule. Tant pis pour la stupéfaction de ces dames, émise respectivement par des regards langoureux et assassins, le principal étant que chacune soient à des kilomètres de distance. Et en silence.

- Girodel ! Lâchez-moi immédiatement, je dois aller...aller m’excuser auprès de cette geun...fille !

Relatif, le silence.
- C’est cela, ma chère. Et je suppose que vos poings sont tout autant disposés à lui formuler la chose aimablement.
- Mais enfin, c’est moi qui commande ici !
- Oui Capitaine. Sans l’ombre d’un doute. Seulement cette jeune personne n’est pas de votre garnison, et je doute qu’elle comprenne votre...gentillesse. Je crois donc qu’il est préférable d’aller un peu répéter vos compliments au préalable, je vous donnerai ainsi un avis objectif.
- Je n’ai que faire de votre objectivité, bon sang de foutre, laissez-moi lui parler sur-le-champ !
- Pas question, belle Capitaine de Jarjayes, car il me semble percevoir chez vous...une pulsion possessive à mon égard.
- Une...une quoi ?!!

Il était sûr que cela lui plairait beaucoup.
Il la lâcha dans une petite bibliothèque à l’étage, toute rouge de colère qu’elle était. Un bon feu adoucissait l’austérité de la pièce. Les servantes étaient bien trop occupées à refaire les chambres de l’autre côté du bâtiment pour qu’ils s’y hasardent déjà, leur départ avorté devait bien assez faire jaser.
Girodel jeta son manteau sur un fauteuil, puis s’adossa, nonchalamment, contre la porte qu’il venait de refermer. Avec une délectation non feinte il admira la fascinante furie qui allait et venait. Un jeune fauve.
C’était sans doute pour cela qu’il aimait tant son tempérament; son visage perdait alors sa froideur androgyne; ses lèvres avivées s’accordait à la discrète carnation de ses joues, habituellement si pâles. Son corps même devenait souple, comme entre les bras d’un amant. De ses bras.

Hypocrite, lui aussi. “Pulsion possessive”, il était bien placé pour dire cela ! Il avait beau faire taire sa conscience à coup de sermons muets depuis cette nuit, le Lieutenant devait admettre que la pensée d’un autre homme la touchant était insupportable. Jaloux, lui, foutaises...et pourquoi pas ? Non, par Dieu non, il avait promis de ne jamais peser sur son destin. Quels droits avait-il, c’était ridicule. De droits, c’était justement ce dont il était question...

- Personne ne me dicte ma conduite, Lieutenant de Girodel ! Je ne vais quand même pas la trucider votre mademoiselle adorée, non ?! Et...et je ne suis pas possessive !
- Non, bien sûr.
- Ne prenez pas cet air finaud !
- Je prends l’air qui me chante Capitaine, surtout lorsque tu débites des âneries. Ce n’est en rien “mon” adorée, et tu le sais parfaitement. Tu es furieuse parce que je te plais.
- Ta...prétention n’aura donc aucune limite ? s’étouffa la jeune fille, stratagème commode lorsqu’on vous assène une vérité dérangeante.

Le sourire du jeune homme en dit long. Solaire, conquérant. Elle perdait ses moyens par ses sourires, il le savait, tout comme lui sous ses colères. Alchimie subtile.
Il ne bougeait pas d’un pouce, perdu dans ses admirations silencieuses. Elle crevait d’envie qu’il vienne l’étreindre enfin, mais pas cette fois...Qu’elle se consume donc un peu à son tour.

- De plus tu es d’une insupportable mauvaise foi, attaquait-elle de nouveau. Tu n’as de cesse de lui sourire de manière stupide dès que tu te trouves en sa présence, de même avec cette Bertin d’ailleurs !

Un coup discret troubla cette sainte fureur. Tandis que Girodel se dégageait, une servante toute intimidée entra pour entretenir le feu et y jeter une nouvelle bûche, couvée par la sévérité d’Oscar. Grâce à Dieu personne ne parlait le français parmi le personnel, arriver au beau milieu de ce qui ressemblait fort à une scène domestique n’était pas pour tranquilliser la fougueuse militaire. Il l’observait. Ses mâchoires se serraient très vite, une lave incandescente prête à franchir ses lèvres; et il en fut ému. C’était tout bonnement désespérant : un regard noir, et il fondait. Sans perdre son sourire le Lieutenant s’installa dans le fauteuil non loin du foyer, après que la bonne se fut chargée de prendre leurs houppelandes au passage et ponctuant sa sortie d’une petite révérence.

- Et là, bien sûr, tu vas prétendre qu’il s’agit de “ma” servante préférée n’est-ce pas ? dit-il aussitôt malicieusement.

Il jugea qu’ils avaient assez joué. Profitant du mouvement d’humeur d’Oscar il se redressa et lui saisit un poignet. Elle en fut surprise, et mécontente. Se trouvant brusquement assise sur ses genoux elle l’observa intensément, ardente.

- Vous ne m’impressionnez aucunement avec vos sarcasmes...et je ne suis pas jalouse renifla t-elle d’un mépris vague.

Il haussa un sourcil, ravi de la voir mentir. Comme d’habitude elle agissait d’instinct, celui de survie. Sans se douter le moins du monde qu’elle n’attisait que ses envies de l’enchaîner à lui. Il raffermit la prison de ses mains, sur ses hanches.

- On pourrait venir ! regimba t-elle aussitôt.
- Ce qui rend la chose bien plus grisante...
- Lieutenant !
- Oui ?
- Cessez de jouer les innocents et puis...de faire cela, aussi !
- Pardon ?
- Ça.
Du doigt elle dessina son sourire tranquille.
- Vous me calomniez puis vous vous moquez de moi. Je ne le tolère pas.
- Ma belle Capitaine, je ne fais ces choses que parce que tu es une tête de mule. Tu ne l’admettras jamais, mais tu me veux pour toi seule.

Cette fois elle rougit pour de bon. Girodel sentit également une poussée de sang, fort agréable, à un tout autre endroit de son anatomie. La lutte silencieuse s’amorçait.
Elle le défia, de ses yeux bien trop ourlés de cils. Aucune chance face à ceux-là.
Tant mieux.

- Et toi tu n’es qu’un mufle ! reprit-elle, la voix nettement plus incertaine.
- Moi ? La candeur incarnée ? Oh...
- Tu es pire qu’une armée de démons, oui !
- Ah...je monte donc en grade. Fort bien. Un démon, voyons...quelle sera ma première mauvaise action de la journée ? Insulter le grand Général de Jarjayes, hum, déjà fait...
Il écarta un pan de la veste d’Oscar, son regard solidement planté dans le sien.
- Ensuite, m’en prendre à son fils bien sûr. Seulement que lui faire, voilà une question obsédante...
- V...Victor, tu es insupportable.
- Chut, je suis un esprit démoniaque. Qui échafaude des plans machiavéliques comme il se doit. Tourmenter le fils Jarjayes, soit, il n’y a pas à y revenir.
- Victor, arrête...
- Un prénom jeté deux fois à la suite ? Tu m’avais caché tes dons de pourfendeur de démons dis-moi ! Comment résister à pareille musique...de même qu’à ta poitrine, je me le demande.

Elle respira bien plus vite, dès lors que sa caresse se fit précise. Ses doigts courants sous l’infâme tissu, là, tout contre la courbe si traîtreusement comprimée.
- Dois-je le torturer longtemps à ton avis, ce fils possédant de si voluptueux attraits cachés ? Un démon ne connait pas la pitié, c’est évident. Et ne possède pas d’âme non plus. N’empêche qu’il pourrait tout de même la perdre rien qu’en souhaitant voir sa victime nue sur ses genoux. Qu’en penses-tu ?

Elle se ploya enfin, tout contre son oreille.
- Je jure de t’étrangler si tu oses faire cela.
- Ta voix te trahit, grogna t-il en l’étreignant plus commodément. Tu meurs d’envie que je t’arrache ces hardes. Et toi les miennes.
- Non.
- Et ta main dans ma chemise ouverte ? murmura Girodel, les yeux clos.
- Justement parce qu’elle l’est, ouverte. Ce n’est en rien ma faute si tu ne sais pas t’habiller décemment.
- Je vois...l’ouvrir davantage comme tu es en train de le faire procède donc de la décence. Logique. Ma carrière de démon s’arrête là je le crains, devant pareille maîtresse en la matière...

Son sourire s’élargit quand elle enfouit son visage dans son cou, comme lui dans cette grange. Sainte Oscar...priez pour nous pauvre pécheurs à la si faible chair, ce n’était décidément pas humain que ces lèvres contre sa peau ! Le petit fauve le mangeait de caresses, allez résister après ça...
 

 

Il essaya pourtant, précisément parce que sa tension cardiaque et son désir montaient de concert. La prendre devant ce feu, quelle perspective...un sursaut de bon sens lui fit la saisir un peu trop brusquement pour la détacher de lui.
Mais elle était si près qu’il capta un regard aussi brumeux que le sien pouvait l’être, sans doute, ce qui n’était pas pour arranger les choses.

- Oscar, tu vas me mettre à genoux...
- Bien fait pour toi, voilà ce qu’il en coûte de m’accuser à tors et à travers.
- Vérité. Tu es jalouse, sans l’ombre d’un doute.
- Traître.

L’insulte fondit sur sa bouche comme un mot d’amour. Ce ne fut pas un baiser d’ailleurs, juste pure nécessité, se prendre l’un l’autre devenait insoutenable.
- P...pas ici...réussit-elle à balbutier au bout de quelques secondes...avant de l’embrasser longuement.

Aussi raisonnable que lui, voilà qui promettait de magnifiques catastrophes.
Il eut du mal à laisser échapper cette taille faite pour ses mains. Tandis qu’elle sortait de la pièce sous la promesse - voyons, l’ordre ! - de la rejoindre sans éveiller les soupçons, il se permit quelques instants de réflexion, contrarié. Le détachement, avec Oscar, voilà bien une farce ! Contemplant les flammes il se prit soudain à caresser l’idée de s’enfuir avec elle...Enchaîner ses vingt ans, délicieux tourment. Hérésie oui ! La désirer même cernés par des auges à chevaux, présageait d’un état vraiment désespéré. Qu’avait-elle dit, il n’y avait pas si longtemps ? Ah oui...il devait être “atteint mentalement”. Fou. Il était d’accord.

S’enfuir avec elle, donc. Ou bien tout seul, pour la protéger du déshonneur. Ou alors demander sa main à son affreux géniteur, et lui faire la cour de manière délicieusement officielle. Tout en continuant de lui faire l’amour de manière scandaleusement officieuse. Oscar, Oscar, qu’es-tu donc en train de me faire ! Un mariage, maintenant...

Jugeant que la bienséance était suffisamment sauve, il se dirigea vers ses appartements. Oscar de Jarjayes...avec elle rien n’était jamais simple. Il doutait beaucoup que ces deux merveilleux jours le seraient encore, et pour dire vrai il adorait cela. Même cette toute proche perspective de l’aimer follement, ne pouvait s’envisager de manière rationnelle. Un cosaque pouvait surgir au milieu de la pièce. Pire : son père. A moins qu’elle ne se sauve après l’avoir chauffé à blanc...elle en était capable, la belle rouée. Incroyable comme elle apprenait vite. Tout en niant comprendre quoi que se soit à l’art de séduire, ce qui menait ses sens au bord de l’explosion. Avec ravissement, le Lieutenant de Girodel se souvint soudain qu’il y avait un verrou à la porte de sa chambre.

 

 

19.

 

 

 

 

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