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Chapitre 21

 

 


- Ce “rien” m’a plutôt l’air d’un “tout” intéressant...Et bien ?
- Non, tu vas te moquer.
- Et tu me rosseras comme il se doit. Au point où nous en sommes, il me semble que tes pudeurs sont légèrement hors de saison, ne crois-tu pas ? Alors, qu’est-ce qu’il y a, dis-moi...
- Je ne suis pas pudique, Lieutenant ! Ose le redire et...
- Certes, grogna le jeune homme contre la pointe charmante de son sein. Essaie juste de me comprendre : il est hautement improbable que je te laisse parler encore longtemps, assise de cette façon. Tu es le scandale incarné...
- Girodel, c’est juste que...

Ce nom, plus que la voix calma - un peu- son ardeur. Malgré son bassin au supplice il se força à relâcher l’étreinte, admirable, qui soudait leurs peaux comme la chose la plus évidente du monde. Et plongea tête la première dans les remous clairs du regard de son Capitaine qui n’avait rien, mais vraiment plus rien de masculin. D’autant qu’une fois de plus elle se mordillait les lèvres sous d’intenses spéculations. Traîtresse.

- Jure de ne pas afficher ton sourire odieux.
- Je jure.
- Sur l’honneur ?
- Oscar, aie pitié...
- D’accord, d’accord. Et bien c’est...

Soudain elle recommença. Comme tout à l’heure, un peu plus tôt. À croire que cela devenait une figure de style, auquel cas il n’était pas contre : ses bras se nouèrent pour permettre la confidence dans son cou, dans ses cheveux, qu’elle agrippait voluptueusement.

- Redis-moi tes horribles fadaises.
- Mes...quoi ? souffla t-il à l’adresse du plafond, ce chuchotis devenant décidément le plus nécessaire des supplices.
- Ces choses, ces idioties; que je suis belle, désirable...je sais que tu mens mais j’aime les entendre. S’il te plaît...

Dieu sait comment, il s’écarta pour la contempler, toute entière, et lui lancer en bouquet sa propre consternation.

- Nous avons un problème.

Elle dut comprendre qu’il ne plaisantait pas. Enfin, moins que d’habitude. Non plus du tout en fait, ce qui ne pouvait que creuser le fossé déjà bien entamé par la concision de la phrase. Au moins, elle ne pourrait lui casser la figure pour cause de sourire intempestif...nul doute qu’elle en aurait préféré l’amorce, plutôt que de devoir montrer sa gêne en rougissant violemment.

- Quoi encore ! feula t-elle, toutes griffes dehors.

Suprême délice que de la contenir...c’était encore plus grave qu’il ne l’imaginait.

- Et de taille : je viens de réaliser que je brûle de te courtiser. De faire les choses selon d’ancestrales convenances. Bref, de te séduire.
- Pardon ?
- Mes “horribles compliments”, non seulement tu les mérites à chaque minute du reste de ta vie, mais je me dois de te les dévider autour d’une tasse de thé. Un genou à terre, de préférence. Après en voir fait la demande à ton père.
- Mon père, que vient-il faire dans...je ne comprends rien Girodel !
- La cour.
- Mon père est dans la cour ?
- J’ai une furieuse envie de te faire la cour. Officiellement.
- Quoi ?!
- Un problème te disais-je, tu vois bien. Je n’ai pas envie de me cacher au fin fond d’un château humide pour te clamer mon admiration, ni l’ardeur de mon désir.
- Tu veux dire que...

Il hocha la tête affirmativement. Peut-être souriait-il un peu, maintenant. Elle n’eut pas l’air de s’en formaliser. Assez préoccupée, pour tout dire, on le serait à moins. Elle serra les lèvres, méchante.

- Tu n’es pas fiable du tout, Lieutenant.
- C’est vrai. À quel sujet ?
- Tu veux m’apprendre quantité de choses inutiles, puis tu le fais trop bien, et à présent tu parles de tasses de thé.
- On dit les militaires très peu portés sur les arts de la table, pourtant.
- Vas-tu cesser de...d’être toi, durant quelques minutes ! Je ne sais plus si j’ai envie de t’embrasser ou de te tuer, maintenant.
- Les deux, mon Capitaine. Les deux.

Elle s’arqua tout de bon tandis qu’il repartait à la conquête de sa poitrine, ignorant ses airs furibonds. Son caractère devenait un sujet d’étude réellement passionnant. Autre problème. Bah, il y repenserait plus tard, si il était encore en état d’aligner quelque cohérence, ce dont il doutait beaucoup rien qu’à sentir ce sein mignon s’épanouir entre ses lèvres.
Mais Oscar s’agrippa à ses cheveux, de manière bien moins voluptueuse.

- Ne change pas de sujet ! essaya t-elle héroïquement, le souffle court. Il n’est pas dans mes habitudes d’entendre des folies sans vouloir les étayer d’arguments rationnels. Ton histoire de convenances rancies m’a tout l’air d’être un traquenard effroyable.
- Du tout. C’est même éminemment “médiéval” si je puis dire.
- Je veux savoir !
- Le plaisir retiré est justement que la dame ne sache rien des atours dont son prétendant va la parer... Métaphoriquement parlant, bien entendu. Oscar, tes seins me rendent fous.
- Je n’entends rien à ton discours, sois plus clair !
- Tes seins me font bander.
- Girodel ! Tu es infernal, tu sais très bien que ce n’est pas ce que je veux dire !
- Mais tu l’as bien cherché, aussi...bon, bon fort bien, j’arrête d’embrasser ces merveilles. Que veux-tu savoir ?
- Absolument tout. Qu’est-ce que c’est que cette cour, déjà ?!

Il la détailla, stupéfait. Elle ignorait donc cela aussi ? Avec cet idiot monstrueux de père, rien d’étonnant au fond. Victor soupira. Assise ainsi à califourchon, sur lui, avec ce peu de tissu, sur elle, il fallait encore et toujours jouer les maîtres à penser.

- La cour, ma chère, est un moment fort tendre destiné à faire mourir d’amour entre vos bras la dame de vos pensées. Pour qu’à son tour elle n’ait plus que vous dans les siennes et dans son coeur. Et ce, grâce à la plus belle mécanique que puisse produire un bel esprit : le verbe. Tu m’écoutes ?

Regard d’orage sourdement menaçant, elle semblait davantage fascinée par sa chemise d’homme qui baillait un peu trop gentiment. Sans précaution elle en écarta les pans, et ce qu’elle vit lui colora les joues de bien jolie manière, décidément.

- Le verbe, répéta t-elle, hargneuse. Et ensuite ? Je veux des choses concrètes, des exemples. Comment toi, t’y prendrais-tu ? Continue !

Il fut tenté de lui répliquer la même chose. Cette jeune créature le ravissait, mélange de candeur et de lascivité...sans parler de l’espèce de brutalité qu’elle mettait involontairement dans les choses de l’amour. C’était grisant de la laisser agir à sa guise. Une décharge subite martyrisa son bas-ventre quand elle effleura les pointes dures de son torse. Il se tut, broyant de ses mâchoires le plaisir qu’il retirait de ses infernales initiatives. Dieu merci elle n’était pas assise sur son membre, ce dernier recommençant à devenir d’une puissance de roc comme ne pouvait le laisser ignorer ses culottes.
Bref.
Se concentrer.

- Et bien voyons...Un matin je prendrai ma plus belle plume pour mander audience à Monsieur votre père. Ou plutôt non, je le prierai sans coup férir de me permettre de voir Mademoiselle de Jarjayes pour m’entretenir avec elle, seul à seul.

Elle le débarrassa soudain de sa veste, la chemise pas longue à passer par-dessus bord. Les joues définitivement cuites et les mains bien à plat sur ses côtes, elle secoua la tête en considérant ce qu’il espérait être à son goût.

- Impossible. Mon père dirait que tu es fou, qu’il n’existe pas de “Mademoiselle” au domaine.
- C’est fort probable. Néanmoins je me vêtirai de la plus élégante des façons puis, dès le lendemain, viendrai sur le perron de votre château...
- Mon père t’accueillera avec un sabre à la main.
- Je m’inclinerai pourtant très respectueusement devant lui. Ensuite seulement je l'assommerai.
- Oh ?

Ses prunelles étaient dilatées par le désir. Sa raison luttait, c’était visible, mais elle raffolait de ce qu’elle contemplait. Il s’imagina se mettre torse nu en pleine manoeuvre dans la cour de garde, rien que pour la troubler. Cette seule idée suffit à envoyer une nouvelle pulsion dans son membre; ne pas la toucher était réellement de l’ordre de la sainteté.
Se concentrer, donc.

- Absolument. Je te trouverai ensuite dans une des pièces de cette maudite bâtisse, et te prierai de m’entendre pour une affaire de la plus haute importance.
- Et la tasse de thé ?
- Tu as raison. J’avais oublié. Après avoir enjambé ton père inconscient sur le perron, je ferai apporter le thé dans un des salons puis te supplierai de m’entendre pour une affaire de la plus haute importance.
- Et j’accepterai ?
- Evidemment, tu adores le thé.
- Non, pas du tout.
- Tu adoreras le mien. Je te ferai asseoir, et me pencherai sur ta main très galamment en te disant que je suis au bord de la commotion.
- A cause de mon père ?
- A cause de ton étourdissante chute de rein.
- Ce n’est pas très médiéval...
- Hum... tu as raison encore une fois. Alors je dirai que je suis perdu, noyé, au bord d’un gouffre depuis des jours, lacéré par la délicatesse de ta peau à ne pouvoir la réchauffer de mes lèvres. Je parlerai aussi de ce courage tranquille qui m’émeut plus que tout et ta flamboyance, faisant bouillir mon sang dés que je suis près de toi.
- Je ne sais pas si cela me plaira...
- Je ne le sais pas non plus, alors je te ferai asseoir, et me mettrai à genoux pour m’étourdir de la beauté de tes yeux.
- Comme Molière et sa belle marquise ?
- Non pas, lui était ridicule.
- Oui mais cela me ferait rire, j’ai toujours adoré ce passage.
- Je n’aurai pas envie de te faire rire.
- Oh ?

Comme maintenant, sérieux. De sa rudesse exquise, elle caressait son sexe tout à fait dressé derrière le tissu; des éclairs lui passaient devant les yeux à se retenir de la posséder, sans ambages. Penser à quelque chose d’horrible, vite. L’image du Général affalé sur les marches, bave au coin de la lèvre, permit de contenir - un peu- sa jouissance galopante. De manière toute relative : le beau Capitaine se levait, faisant craquer le lit.

- Ne bouge pas !

Se mettre nue au-dessus de lui, voilà qui lui donnait vraiment l’envie d’obéir ! Plus un seul vêtement sur elle, de Dieu si il pourrait survivre à pareil spectacle. Et la redoutable petite diablesse de se rasseoir, bien plus avant sur ses hanches, là, tout près du feu torturant ses reins.

- Que me dirais-tu, encore ?

Rouée, fourbe petite fille ! Ses bras autour de son cou, un sourire carnassier en bandoulière, bravo très chère, imparable.
- Ça, c’est parfaitement déloyal...
- Chacun son tour, roucoula t-elle à son oreille. Alors ? J’attends....
- Mmmh...je te parlerai donc de tes yeux.
- Si fait. Quoi d’autre ?
- De ta chevelure incomparable peut-être.

Girodel ne fut même pas sûr d’avoir correctement articulé sa phrase, déboutonné qu’il était par des doigts impatients.

- Je fustigerai ta cruauté d’y avoir capturé l’astre du jour, puisqu’à chaque instant je me brûle à l’admirer en secret. Et je saisirai ta main délicate pour te démontrer ma dévotion mesurée en l’effleurant de ma bouche.
- Mesurée, vraiment ?
- Oui...la cour se fait ainsi, avec mesure. Et même respect.

Il faillit exploser quand elle l’introduisit elle-même en elle, il n’eut que le temps de la supplier, comme il put.

- Pitié, Oscar, ne bouge pas ! Bon sang, vite, le Général bavant, chauve, lépreux, édenté...Ce n’est pas humain ce que tu me fais subir. Ne bouge pas je t’en prie, attends, attends...

Sa moiteur l’accueillait avec une désarmante facilité, chaude, organique, en appétit. Tout comme lui. L’alchimie se reproduisait. Tout paraissait évident, inédit, elle prenait possession de ses sens et cela semblait ne pas avoir de fin.

- Respect, disais-tu...Cela signifie que tu reviendrais, pour me parler de mes cheveux ?
- Bien sûr. Chaque partie de ton corps et de ton âme y passeraient. Il me faudra assommer ton père jour après jour en revanche.
- Il me plairait de voir cela, je pense. Redis-moi encore...ces choses...

Elle parlait aussi mal que lui, ravagée par le plaisir de le maîtriser, enfin. Du moins le croyait-elle. Girodel jugea qu’il avait suffisamment repris empire sur ses ardeurs, son bras la ceintura durement pour la fixer sur sa verge, triomphant d’un sourire splendide lorsqu’elle hoqueta de surprise et de jouissance amorcées.
Elle s’accrocha comme elle put, cueillie par un spasme nouveau, comprit sans mot dire que le vrai jeu ne cesserait d’être ainsi, entre eux.

- Je te parlerai de tes jambes, interminables, qui hantent mes nuits de pauvre soldat solitaire...murmura le jeune homme en la soudant à lui d’un autre coup de rein.
- Solitaire, à d’autres...regimba t-elle.

Que sa voix s’éraille ainsi, il ne s’en lasserait jamais !
- Parfaitement. Il n’est pas de bon ton qu’une dame mette en doute l’honneur de son chevalier servant.
- Je t’ai vu à l’oeuvre, pourtant, à la Cour...Toutes ces femelles autour de toi, c’était d’un répugnant...

Elle grimaçait de manière si charmante, quand la jouissance montait, encore, toujours plus précise, au rythme lancinant de leurs corps impatients. Le temps même semblait se déliter, tous deux ne parlaient que par saccades, soupirs.

- Tu vois, j’avais raison : jalouse...
- Oui...oui...

Il n’eut même pas l’idée de marquer sa victoire, comment savoir sur quoi portait sa reddition ? Le plaisir qui montait, ou bien...elle ploya sa gorge, violente, griffa une de ses épaules tandis que l’orgasme la rendait incroyablement étroite autour de lui, il faillit exploser sans attendre. Sous un dernier effort de lucidité il se désengagea et jouit à son tour, en criant son nom. Elle n’eut cure du sperme maculant leurs ventres, leurs coeurs battaient à l’unisson, étroitement liés, dans les bras l’un de l’autre...
Un prénom, jeté ainsi...Consterné, Girodel pensa vaguement que tous les occupants de la bâtisse devaient maintenant savoir quel genre de professeur il était.


Consternation, ce fut précisément le sentiment partagé par une autre personne du château, à cet instant précis. Point du tout pour de si scandaleuses raisons cependant...malgré la lucidité légendaire du beau Lieutenant.
Rose Bertin se penchait sur un autre problème, infiniment plus persillé.

- Mais où on t-il donc la tête de nous faire manger ce genre de choses à peine le soleil levé !

De dégoût elle repoussa son assiette, emplie des fameuses saucisses qu’Oscar goûtait si fort un moment plus tôt. Des saucisses...quand à Versailles on vous servait des mets des plus raffinés aux étourdissantes saveurs ! Même la gentillesse de son voisin ne pouvait combler pareille barbarie.

- Je crains que ce ne soit la seule nourriture de ce matin, hasardait justement André.
- Balivernes, je suis une dame de qualité, il est hors de question que j’avale ces...ce gras qui a dû traîner Dieu sait où.

- Vous exagérer, cela n’est pas si mauvais...

Si ce jeune homme ne possédait un si étourdissant regard, nul doute qu’elle lui aurait reniflé de mépris sous le nez. Cet André n’était pas méchant, soit, mais le voir mâchouiller ainsi...
Réprimant un haut le coeur, la modiste s’éventa avec son mouchoir de dentelles et se força à se concentrer sur l’essentiel : la nuit porte conseil dit-on, la sienne en était riche. Les premières manoeuvres avaient échouée: compter sur “l’instinct féminin” d’Oscar...un désastre ! Laisser par erreur sa petite mallette emplie de parfums, de poudres, de mouches...et cette jeune personne n’avait même pas daigné y jeter un regard ! Toute femme normalement constituée aurait cédé à la curiosité à tout le moins...mais ce Capitaine de Jarjayes n’était pas un ennemi conventionnel, assurément, voilà le drame. Il fallait frapper fort, très fort, comme la fois où cette stupide Comtesse avait ri de sa tenue pervenche. Ah, comme cette pécore avait pâli lorsque la Reine elle-même avait arboré une tenue de cette couleur le jour suivant ! Imposer l’impossible, tel était son talent, à elle. Oscar en ferait de même, il...ou plutôt elle plierait, foi d’un éventail en soie.

Elle prétexta un petit malaise - d’ailleurs ce n’était qu’à moitié vrai, un moment de plus et ces saucisses la rendraient aveugle ! - pour revenir, seule, vers ces appartements...et les ignora copieusement en pointant vers l’autre aile. L’attaque frontale, voilà le secret !
Tant pis pour les promesses faites au bel André. Il était si candide...Elle connaissait la vie et puis elle était femme ; elle avait donc toutes les excuses.

- Capitaine de Jarjayes, êtes-vous là ? J’aimerais vous parler...

Elle retoqua, petit oiseau prêt à ne faire qu’une bouchée du gros chat, toqua encore et jura de manière très vulgaire.

- Sapristi !

Confondue par tant d’audace, la modiste rougit toute seule dans ce grand couloir désert. Cette jeune militaire lui faisait perdre tout sens moral décidément. N’aurait été l’ampleur de la cause, qu’elle aurait prestement tourné les talons, mais...non, renoncer était impossible. “Si l’on ne peut atteindre Dieu, parler à Ses anges”...bien sûr, le Lieutenant ! Ah, lui, en était-il une élégance. Cette prestance, de si bon matin ; et toujours le mot qu’il fallait dans ce pays de sauvages, il serait le parfait allié de sa nouvelle stratégie. Cet homme avait du bon sens, de l’éclat, toujours posé. Un sourire un peu trop...échauffant, parfois. De même que ses yeux. Une rigueur à toute épreuve et cela lui suffisait. La sobriété incarnée.

- Lieutenant de Girodel, c’est moi, Mademoiselle Bertin. Je voulais v...

La mâchoire de la modiste se décrocha, quand en lieu et place de sobriété elle faillit se cogner le nez à la chemise béante du jeune militaire. Bottes mises à la va-vite et cheveux vol-au-vent, le tout lui donnait un air canaille des plus...

- Ma chère Rose, comme votre visite est aimable ! Pardonnez ma mise épouvantable, je faisais un brin de toilette après m’être assoupi je l’avoue...

Alors qu’Oscar l’avait traîné de toute sa gueulante un moment plus tôt ? Cet homme se payait-il sa tête, par hasard ?

- Heu...Lieutenant, je voulais donc v...
- M’en voudriez-vous terriblement si je vous demandais un instant ? Une heure, plutôt. Enfin pourrions-nous converser ce soir si cela vous sied.
- Mais...mais non je...voulais vous parler d’Oscar, c’est terriblement urgent au contraire !
- Oui...certes...

Et ce maroufle d’afficher un air contrarié, charmant ! Traitée comme une inopportune mouche du coche, non mais quel toupet. Quel...tudieu, mais c’est qu’il était bel homme, avec cette chemise mise à la diable, sapristi ! Voilà qu’elle se sentait de nouveau rougir, elle, la femme d’expérience. La modiste se pencha sur le mode de la confidence, peut-être un peu pour lorgner plus à sa guise dans l’échancrure du vêtement, aussi.

- Lieutenant, figurez-vous qu’un terrible secret entoure votre Capitaine...Il n’est pas du tout ce qu’il parait être...en vérité, il cache une nature toute autre, à l’opposé du...mâle qu’il prétend, je v....

Rose Bertin repartit derechef vers des abîmes horrifiques quand Girodel explosa d’une toux fantastique, tapant du pied, se cognant la poitrine, bref faisant un potin de tous les diables; complètement, définitivement fou ce pauvre garçon ! Ou bien c’était elle, il lui avait semblé percevoir une sorte de rugissement, derrière. Sans doute le vent. Elle tenta de jeter un oeil mais c’était sans compter sur la carrure du jeune homme, incroyablement...percutante.

- Alors, ce soir n’est-ce pas ? J’attrape la mort comme vous le voyez, ces châteaux sont fatals pour le...le poitrinaire que je suis ! Une petite nature, je m’enrhume pour un rien ! Charmé de votre visite ! A ce soir ! Couvrez-vous également, ces couloirs sont traîtres !

Et en moins d’une seconde elle se râpait le nez sur le bois de la porte fermée à double-tour.
Alors...ça ! Un Capitaine travesti et son aide de camp frappé de peste bubonique en moins d’une seconde, on la prenait vraiment pour une volaille ! Elle dressa l’oreille...il toussait encore, ou bien riait-il. Des choses peu ordinaires secouaient ce château depuis ce matin, et qui paraissait puer autant que ses saucisses.
Ah non, vraiment ! Traitée de cette manière ! Alors qu’elle ne voulait que le bonheur de ce...cette blonde enfant en lui faisant voir les attraits d’une belle toilette.
Rose se gratta le menton.
Enfant et belle toilette dans la même phrase en parlant d’Oscar, c’était peut-être un peu osé. Voire carrément effrayant. Mais tous ces mystères ! Et ce Girodel qui ne s’habillait plus, maintenant, il en devenait très décoratif le bougre.

Désespérant de faire parler cette satanée porte, Rose Bertin décida brusquement de lever le camp, sa décision prise : puisque Dieu et ses anges étaient visiblement atteints lésions cérébrales graves, autant parler au Diable lui-même.
Elle espérait seulement que le Général ne se trouvât pas attablé devant une saucisse...

 

 

 

21.

 

 

 

 

 

 

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