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Chapitre 6

 

 

 


“La mode est une science ! ” avait-elle lancé d’un air gourmand.

Juste après cette sentence pleine de promesses et de mystères André était resté sur sa faim : Oscar venait d’entrer, intervenait, avait parlé, c’était confus mais elle avait fait quelque chose. Et Rose Bertin n’avait pu poursuivre, mobilisée uniquement par l’indomptable Capitaine.
Elle, toujours elle, bon sang !
André boudait.
Méchamment.

Chahuté par la route, le jeune homme avait décidé ce matin de ne pas desserrer les dents, entreprise rendue on ne peut plus facile par son compagnon de route.
Le Général, maintenant, beau cadeau. Par la décision arbitraire d’Oscar, une fois encore !
“On” avait décidé d’accaparer Rose dans l’autre voiture, “on” voyageait avec Girodel, bref “on” se taillait la part du lion avec en prime la crinière et le bout de girafe tout sanguinolent.
Un festin de roi, et allez Oscar, vas-y, étouffe-toi !
Que ne s’était-il cassé la jambe, décidément...un vrai cauchemar que ce voyage.
Le seul divertissement en était la modiste de la Reine et on lui coupait l’herbe sous le pied, l’écartant de tout ce qui était palpitant. La mode, bien sûr que ça l’intéressait, lui, les sciences, les sentences et le mystère, il en raffolait ! Il l’aimait bien, Rose. Elle lui plaisait même beaucoup.
Et lui aussi, il en était convaincu.
 

 

Pas d’armes cachées entre chaque dent, pas de traquenards à déjouer, elle avait une vie reposante.

Et puis elle portait des robes, elle se poudrait, cela sentait bon quand on se penchait un peu ; certes elle parlait trop, mais bah, cela le changeait des tempêtes s’acharnant sur le destin de son amie.

“Amie”, ah bien parlons-en ! Si André faisait le compte des derniers mois, Oscar le frappait, l’étranglait, le brimait, l’exploitait même, à la moindre occasion. On rencontrait des gens sympathiques, et hop, on se les gardait pour soi-même en lui refilant le vieux beau !  Etait-ce une vie ? Et lui, charmant, toujours serein et content, compréhensif...Ventrecuisse, mais cela allait changer !

Bras croisés et tempe appuyée contre la porte de la berline, la mutinerie battait sec sous la chevelure brune.
Il mourrait de froid, sans se rendre compte qu’il n’arrêtait pas depuis quelque temps de vouloir...de vouloir tout. Le changement, de meilleurs gages, de la gentillesse, de la paix, et des femmes qui sentent bon.

On pénétrait toujours plus avant dans les territoires de l’Est, il faudrait de longues semaines encore avant d’entrevoir les frontières de Russie, et à cet instant il regretta de beaucoup les humidités de Versailles, l’attention goguenarde mais tendre de Grand-Mère...
André avait mal à son confort.

Et cette Bertin le distrayait, qu’y avait-il de mal à cela ? Pourquoi le punissait-on une fois encore ? Le rôle de la victime bêlante, toujours pour lui !
Et bien, cette fois, on allait voir.

Remonté comme une horloge comtoise, le jeune homme descendit quelques heures plus tard à un autre relais de poste, l’heure de midi déjà bien sonnée au creux de chacun des ventres. Et bien qu’il fût loin, lui, André, sa perspicacité naturelle releva aussitôt quantité de changements quand son regard se posa sur les autres, là-bas.

Le Comte paraissait tout particulièrement guilleret comme après une ripaille fort réjouissante, contrairement à Oscar qui elle, paraissait s’enfoncer un peu plus dans ses cols, la mine terrible. Et Rose, particulièrement jolie avec sa toque de renard, était comme sous le coup d’une vision perturbante. Pour ne pas dire choquante.
Elle dévisageait le Capitaine comme s’il eut trois cornes, calmant un temps l’ire du jeune homme pour mieux aiguiser sa curiosité. Un nouveau secret ? Joie ! Allons donc renifler tout ceci d’un peu plus près...

- Ah, mon cher petit André ! Que diriez-vous d’une bonne assiette de potage, dites-moi ?

Et bien voilà, qu’on l’aimait bien !
André tenta de lancer un regard de triomphe à Oscar qui n’en avait strictement rien à faire, occupée qu’elle était de couver son Lieutenant d’éternels regards assassins.
Il avait dû se passer quelque chose...Tout avait l’air soudain disproportionné, trop hilare d’un côté, de l’autre passablement volubile, en lutte armée pour la dernière...Le sentiment, immuable, d’être pris entre des feux dévastateurs fit soupirer André Grandier.
Peste soit de sa loyauté. Prendre aussitôt un cheval, et bonjour les chocolats chauds de son aïeule ! Et peut-être Rose en croupe, même.

Il tenta bien de dire une chose intelligente mais cette dernière lui pris d’autorité le bras pour l’attirer vers l’auberge, à peine eut-il le temps de cligner des paupières qu’ils s’abattaient comme des bienheureux devant ladite assiette. Qui n’avait rien d’un potage. Et tout juste appétissant. Mais c’était chaud, reconstituant, pour l’instant André n’en demandait pas plus. Tant pis, les changements, ce serait pour plus tard. Les militaires en costumes civils firent leur entrée, cela causa un peu moins d’émoi chez les autochtones que la vision de Rose Bertin, mais assez tout de même pour comprendre qu’il ne faudrait pas s’attarder plus que de raison.

Ah, tous repartir chez Grand-Mère...

- Vous n’avez pas l’air d’aller bien, mon cher...
- Si. Si, parfaitement, soupira le jeune homme. Ce serait plutôt à moi de vous poser cette question, d’ailleurs. Vous semblez avoir vu un fantôme !
- Et bien, pour tout vous dire, c’est presque ça.

La jeune femme se aussitôt pencha vers André, lui chatouillant les narines de senteurs complexes.

- Figurez-vous...nous regardent-ils ?
- Heu...qui ça, le Général ?
- Mais non ! Eux...
- Ah, Oscar et Girodel ! Eh bien, non...
- Alors figurez-vous...mon dieu, je ne peux en parler ici...
- Mais de quoi donc !
- C’est...c’est...terrible.
- Comment ?! Vous a t-on...manqué de respect !
- Tout au contraire, mon cher André...
- Quoi ?! Vous...voulez dire que...

Rose Bertin eut un haut-le-corps, emportant avec elle les effluves enchanteresses.

- Mais qu’allez-vous imaginer ! s’exclama t-elle, courroucée, faisant tourner les visages.
- Faites attention, à présent ils vous regardent...souffla le jeune homme.
- Quel endroit déplaisant, renifla la modiste. Holà, aubergiste !

Il fallut un temps certain pour déplacer l’espèce de géant placide et rougeaud de son comptoir, la joue affalée dans une paume. Et plus encore pour qu’il déniche “une chose un peu plus amusante que le lait de chèvre” selon les récriminations de Rose Bertin, à la profonde surprise d’André. Le jeune homme n’osait même plus regarder qui que se soit, persuadé qu’absolument toute la salle les détaillait. Il fut même intrigué qu’Oscar et ses compagnons ne se joignent pas à eux en les laissant ainsi, il semblait bel et bien qu’un règlement de compte verbal se fomentant du côté de son amie. Il la connaissait bien ; cela sentait l’orage...

La modiste en tout cas eut l’air heureux de voir devant elle un alcool incolore, ou plutôt fallait-il s’en verser une rasade pour s’en rendre compte car la bouteille, elle, était couverte d’un bon pouce de poussière.
André sentit le breuvage d’un air suspect, pas mécontent au fond de ce remontant inopiné.

Première constatation, cela empestait la gnôle, pas de doute ; mais de la gnôle à quoi ? Là encore il n’osa pas demander, lorsqu’il goûta il fut convaincu : cet alcool était aromatisé à l’alcool.
Du pur, du bourru, de celui qui vous attrape le boyau à ne plus le lâcher pour y jouer à la corde à sauter. L’excellente éducation reçue auprès d’Oscar lui permit de ne pas broncher, mis à part quelques larmes tout de même ; en revanche Rose toussa aussitôt comme une perdue, provoquant les rires gras des paysans.

En effet, toute la salle les détaillait...

- Excellent, articula mademoiselle Bertin d’un sourire crispé, avant d’en reprendre une gorgée ce qui eut l’air de contenter certains.
- Doucement, mademoiselle ! souffla André le plus bas possible. Vous n’avez pas l’habitude, vous allez être malade.
- Ah, mon petit André, il me fallait ça ! Après ce que je viens de vivre...
- De quoi parlez-vous, vous m’effrayez.
- Exactement ! glappit Rose, faisant sursauter le jeune homme. Effrayant, c’est exactement le mot ! Elle reprit une gorgée.
- Je ne comprends toujours pas...vous avez aperçu une chose déplaisante au dehors, par la fenêtre de la voiture ?

La jeune femme plissa les yeux, le verre tout proche de son visage.

- Pas au dehors, mon petit André, mais DE...DEDANS...
- Vous devriez vraiment faire attention, avec cet alcool...
- Mmmh...? Mm..ais non, c’est déli..cieux...bredouilla t-elle en reprenant une lampée. Il me faut...vous raconter...: DEDANS, il se passe des choses...pas...cathol..hic...cathlol...cal... pas joli-joli...i...ils nous regardent?
- Non, pas du tout, répliqua André sur le même ton en ne regardant rien du tout.
- Eh...et bien je vais...vous dire...tenez, reprenez un verre...buvez, buvez...là...il vous faut ça, à vous...à moi zaussi...vais vous dire...

La modiste se pencha et cette fois-ci ce fut l’alcool à l’alcool qui leur piqua les narines.
Vu le dodelinage du renard sur le crâne de sa compagne, même la pauvre bête était capable de reprendre vie sous le traitement...
En vérité Rose Bertin était complètement ivre après quelques gorgées seulement et lui-même commençait à se sentir un peu étrange, ce qui en disait long sur la composition artisanale de ce qu’ils buvaient. Il tenta de fixer la bouteille, qui commençait à se dédoubler. Les formes s’étiraient...bougeaient...la bouteille avait de drôles de reflets verdâtres...Soudain une lumière : l’aubergiste avait certainement un passé de loup de mer, ce truc était le fruit d’un abordage et le chef des pirates avait laissé mariner son dentier dedans.

- ...vais vous dire..., dodelinaient Rose et son renard, la chose la PLUS horrible du monde...

La pauvre accentuait maintenant un mot sur deux, et lui avait de plus en plus de mal à se concentrer. Ils reprirent chacun un verre pour se donner du courage.
- ...ça s’est passé, comme ça...pfiouut....rien vu...venir...
- ...par Dieu, mais quoi...
- Shhhht....souffla très fort la jeune femme en se penchant encore. TOUT à l’heure, comme ça, ploc, le Capitaine...
- Oscar ?!
- ...voui...le Capitaine...’tendez, encore une gorgée...TOUT à l’heure, pas vu venir...il...il a SOURI ! A MOI ! Comme ça, pour RIEN, vous rendez’ compte ?!!
- Hein...
- SOURI ! Il m’a...zimaginez ?
- Vous...êtes en train de me dire qu’Oscar vous as...
- SOURI ! VOUI ! Mais vous le connnnnnaisssssez...depuis...longtemps...savez ce que c’est, hein...

André réfléchit de manière acrobatique, et...eh bien non.
Il ne savait pas ce que c’était.
Du plus loin qu’il se souvienne, rien.
Les sourcils bruns se rétrécirent dangereusement.

Et pourquoi on ne lui souriait jamais, à lui ! Voilà donc autre chose, de balancer ce genre d’horreurs dans les berlines de voyage, vengeance à la fin ! Il vida son nouveau verre d’un trait.

- ...c’était horrible, torrible, torrible...anonnait Rose. Complèt....ement tor...et vous savez POURQUOI ?!

Toute une enfance à se faire tirer et les cheveux et du lit aux aurores pour se battre, une moitié d’adolescence à courser les félons et l’autre à leur casser la figure avant qu’ils ne cassent celle de son amie, et hein, “ploc”, pas un sourire ? On ne l’horrifiait pas, lui ? L’était pas digne le roturier ?

- ...pazque...torrible, pazque on...on aurait dit une...une...FEMME, le Capitaine...quand il a SOURI...une femme qu’on aurait...zune...
- ...evidemment, puisque c’en est une !

L’alcool emmitoufla la révélation, la baillonna en douceur, la berça à presque l’endormir de tendresse pour la seconde suivante la jeter avec une violence inouïe contre la tempe d’André.

Le torrifié, c’était lui : qu’avait-il dit ! Un sombre espoir pointa, qu’elle n’ait pas entendu...
Mais Rose Bertin le fixait comme avec le Capitaine tout à l’heure, une forêt de cornes devait sans doute être en train de pointer sur le crâne du jeune homme comme une poussée de champignons.

- ...u...zune...fffffemme ?

Damnation...

Sous l’oeil hébété de son compagnon de beuverie la modiste se leva, dans toute la splendeur de sa fanfreluche branlante, fonça en titubant vers le tenancier du lieu reparti à son comptoir.

- Z’auriez-vous pas...des petits salons plus...zintimes je vous prie ? Souffla t-elle comme un conspirateur, sa voix emplissant la pièce entière.
- Hein...
- Ne prenez pas cet air...préfité...tifié...pré-ti-fé... je vous paaarle raison mon ami : des endroits...de causerie...il faut...l’heure est...est GRAVE, dois parler à mes...aux zautres...en priv... un endroit coquet, vous zavez ?
- Hein...y’a ben la grange, y’a les poules et l’coq dedans...
- QUOI ! “Co-quet” ! Cela ne veut....PAS dire un...poulailler ! Z’avez rien d’autre que cette salle commune ?
- Hein...ben y’a ben les chambres, en haut. Mais j’vous préviens, c’est d’avance. Et si vous cochonnez les draps, c’est deux fois le prix.
- Tu veux une chambre, poulette ? Ben ça peut se faire ! interpella un maquignon provoquant.

Rose et son renard se tournèrent d’une dignité infinie, toisant tous deux le manant.

- Je...ne vous PARLE pas, za vous !
- Et qui te dit que c’est pour parler ?
- Puis-je savoir ce qui vous prend !

La dernière remarque venait du Général de Jarjayes.
Où qu’il passe, il impressionnait cet homme ; la perruque, le maintien...se tenant là aux côtés de Rose Bertin, c’était Versailles toute entière s’invitant dans la bauge à gorets. L’aubergiste s’ébranla, mais - beaucoup plus préoccupant - tous les buveurs aussi.

- Psst, Général... éventa la modiste de son haleine. Je ne voudrais pas vous contrarier, mais je crois qu’on VOUS ment...c’est...torrible, le Capitaine, c’est...
- Vous vous donnez en spectacle, il suffit. Et qu’avez-vous à demander des chambres !
- Mais...PADUTOU ! ....‘ voulais un endroit calme, je...il faut que...je vous...dise
- Reprenez vous et partons. Vous êtes ivre, c’est lamentable !
- ....je connais des...choses...si vous saviez, je...
- T’as pas entendu, grand-père ? Elle veut une chambre, t’as qu’à partir et nous la laisser, on va la dessaoûler ta fille !
- Et bien...justement mon brave...commençait Rose, ce n’est pas moi sa fille...c’est...

Epouvanté André se leva quand un pied mis en travers l’étendit de tout son long dans l’hilarité générale. Ce fut le signal : la quinzaine de soiffards tombèrent sans plus de façon sur ses deux autres compagnons dans un bris de chopes et de chaises, avant même qu’ils puissent dégainer leurs épées.

Le Général considéra le tout d’un mouvement de tête méprisent.

- Vos clients... z’ont pas l’air content ! bégaya la Bertin d’un rire absent quand un bout de quelque chose vola près d’elle.
- Oh, vous inquiétez-zy pas, rétorqua l’aubergiste, placide. Ca arrive tout le temps. Ben alors, vous les prenez ces chambres ?
- Mais...il...faut...zintervenir ! cria soudain la demoiselle tandis qu’Oscar et Girodel se prenaient respectivement un poing dans la figure.
- Oh, ne vous inquiétez pas, sourit le Général, cela arrive tout le temps avec Oscar.
- Ils...ils se font massacrer !
- Contre vingt ? Vous plaisantez. Regardez un peu mon fils !

La jeune femme contempla confusément la scène, puis ce père contre nature dont l’oeil brillait d’une fierté sans limite.
Oscar venait de rendre le poing de sa pièce à l’autre quidam ; elle et Girodel prenaient tant bien que mal le dessus, mais à quel prix !

- Tenez, la feinte que je lui aie apprise ! s’écria t-il. Bravo mon fils, mais attention, votre garde est trop basse et...et voilà ! Que disais-je, le rustre en a profité. Tudieu mais appliquez-vous !
- Vo...votre fils ? Et bien, jjjjustement....
- Admirez plutôt, quelle poigne ! Je n’en ai pas fait une mauviette.
- Ils...vont se faire TUER !
- Ah, ce Girodel n’est pas mal non plus, évidemment plus musclé, évidemment, évidemment...oh mais voyez la souplesse d’Oscar, sa rapidité est en train de faire merveille ! Allez-y, bon sang, cognez !
- Et...André?? Ohhh....ils sont à trois contre lui !
- Oui, et bien ? Il en a vu d’autres.

N’écoutant que son courage la modiste avisa une bouteille encore intacte sur la table la plus proche, et sans réfléchir s’élança vers les agresseurs du jeune homme.
Là fut sa grande faute : ce dernier eut la mauvaise idée de reprendre le dessus par une manoeuvre audacieuse, et la catastrophe fut consommée jusqu’à la lie. Rose Bertin reçut un lourdaud en pleine décomposition, son cri perçant figea une seconde tout le monde et permit de découvrir le spectacle, ô combien ridicule, d’un panier de robe englouti par la masse inerte du bonhomme.
Oscar et ses compagnons ne mirent que plus de coeur à l’ouvrage pour voler au secours de l’infortunée mais le constat fut désolant.
Même le Général paraissait contrit par la toute petite barre lui sciant le front...

- Aaaah...ma tête, mon dieu....André, êtes-vous là...aaaah...
- Chut, chut, mademoiselle, ne vous fatiguez pas...balbutia André en s’agenouillant et lui tapotant les joues presque à l’assommer.

Il était perdu !
Sa révolution, c’était dans l’au-delà qu’il allait devoir la faire, tout un avenir infini à monter des barricades parmi les nuages : si Rose Bertin parlait, Oscar le tuerait, sans l’ombre d’un doute.
Il avait révélé l’ultime, l’imprononçable vérité.
UNE FEMME.
Et le Général, qu’allait-il lui faire ! Et...le sang descendit dans les brodequins d’André : et si Girodel l’apprenait ? Non, tout compte fait c’était Oscar le péril. Elle le torturerait, verserait des tonnes de gnôle infecte dans son gosier pour le faire exploser telle une grenouille des marais. Sa seule chance maintenant était que la modiste sombre dans l’oubli et qu’à son réveil...oh mais pourquoi n’avait-il pas pu tenir sa langue ! Cela lui ressemblait si peu...voilà donc où le conduisait ses bravades, il allait en passer du temps à se morfondre sur un nuage !
Il redoubla les tapotis sur la demoiselle, qui commençait à ronfler.

On ne prit même pas la peine d’être surpris face à si belle sollicitude, preuve que toutes les têtes justement, étaient passablement à l’envers.
Celle d’Oscar s’ornait déjà d’un hématome, au niveau de la pommette. Girodel avait une lèvre fendue, tandis qu’André prenait le parti de saigner du nez, tout ce joli bouquet de gnons penché sur la “blessée” avec une légitime inquiétude : la coiffure avait souffert et l’oeil de braise se tisonnait d’un oeuf de poule, vers la paupière.

Le renard avait disparu.
Il était peut-être reparti courir les fossés car personne ne le revit jamais...

Le général planta ses poings contre sa taille.

- Eh bien, je crois que nous allons les prendre finalement, ces chambres...maugréa t-il d’un air contrarié.

Et le pauvre, pauvre André de se demander s’il devait courir lui aussi au premier calvaire venu pour y tomber à genoux, tant sa ferveur était grande que Rose Bertin perdît définitivement la mémoire...

 

 

 

6.

 

 

 

 

 

 

 

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